Nouvelle Cité Afrique Ouest N.2-17 12 NCA Avril-mai-juin 2017 | Page 13

par Urbain GUEU Pourtant, il y a eu un progrès: si les années 1960 ont été consi- dérées comme celles des indépen- dances et des régimes de partis uniques caractérisés par une ges- tion opaque, partisane ou clanique des affaires de l’État, les années 1990 au contraire ont rimé avec démocratie, multipartisme. Malheureusement, les débats qui se devaient d’être construc- tifs ont fait place à la désillusion totale. L’histoire mouvementée et récente du continent aux alter- nances difficiles nous confronte à une interrogation : faut-il réin- venter « une démocratie à l’afri- caine » et une vie politique qui inspire confiance et fierté  ? Nul besoin de le faire : la démocratie en Afrique est en construction et les propositions allant dans le sens de la consolidation de la démocra- tie et de l’assainissement de la vie politique existent déjà. Edition Afrique de l’Ouest Une Afrique inapte à faire siennes les valeurs démocratiques : fausse croyance La barrière culturelle est sou- vent évoquée pour expliquer les difficultés rencontrées par l’Afrique dans son processus de démocratisation. La culture du chef qui caractérise les sociétés africaines ne serait pas propice à la démocratie et cette culture se- rait un frein à son émergence. Cette idée reçue n’est pas juste. La plupart des nations africaines, avant la colonisation, étaient constituées en royaumes dont l’organisation n’était pas éloignée de celle de la monarchie parle- mentaire britannique. Les affaires de la cité se réglaient autour « des arbres à palabres » avec la parti- cipation des populations ou leurs représentants : c’était le temps de régler, de décider, de juger… Dès Société lors, on peut établir un parallèle entre la structure des « chefs tradi- tionnels et notables » et celle des « chefs d’État et notables ». Le pouvoir était délégué, les peuples étaient associés à la gestion des royaumes, on assistait déjà à une forme d’élection des chefs où il s’agissait, pour les populations, de s’aligner derrière le candidat de leur choix. Celui qui emportait l’adhésion populaire était intro- nisé, comme le montre l’exemple des peuples du nord du Togo. Ce modèle d’organisation sera mis à mal par la colonisation et la décolonisation. Les frontières issues de la colo- nisation n’ayant tenu aucun compte des limites des royaumes, leurs populations se sont retrouvées par- tagées entre plusieurs Pays, d’où la nécessité de travailler à la construc- tion de nouvelles nations. Si, avec les indépendances, on a assisté à une réelle volonté de créer des na- tions, le constat de l’échec est clair puisque le vote ethnique, tribaliste surtout régionaliste est légion en Afrique, comme le montrent les exemples des dernières élections présidentielles et législatives dans certains Pays. Il est pratiquement impossible à un homme du sud de se faire élire au nord et vice-versa ; dans une région donnée, c’est le facteur ethnique qui prédomine. Les États africains ont-ils échoué dans la construction de leur nation ? En général OUI, pour l’instant ! On n’entend parler de nation que dans les discours poli- tiques ; la fibre patriotique et natio- 13