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Rue des Beaux-Arts n ° 76- Juillet-Août-Septembre 2021
Il vient de paraitre en français , aux éditions Rackham , qui le présentent en une superbe version reliée .
Isusi s ’ intéresse ici aux dernières années de la vie d ’ Oscar Wilde . Le titre , bien sûr , renvoie à Dante , et c ’ est vraiment à une descente jusqu ’ au huitième cercle de l ’ enfer que nous fait assister l ’ artiste . En une suite superbe de lavis sépia , il reconstitue le quotidien crépusculaire de l ’ auteur déchu , trainant dans les rues sombres de Paris comme une âme égarée , réfugié dans l ’ antre des cafés avec des mauvais garçons qu ’ il entraîne dans sa chambre minable , vivant aux crochets de ses derniers amis , l ’ âme toujours allumée par le vin et l ’ absinthe , peinant parfois à tenir debout . C ’ est à l ’ effondrement d ’ un mythe que nous convie Isusi dans une succession de tableaux où son crayon cruel , acéré , ne nous fait grâce d ’ aucune déchéance . Cela pourrait être sordide , et provoquer chez le lecteur , vis à vis de son personnage en perdition , autrefois si flamboyant , un sentiment de répugnance et de dégoût devant une chute vertigineuse que Wilde ne fait rien pour arrêter . Et cependant , miracle , rien de cela ne se produit , parce que , sous l ’ apparente férocité du trait , il y a le désespoir et la solitude du héros tombé et , toujours , sous-jacente , une évidente tendresse pour cet homme aux traits et au corps lourds , qui hante Paris tel un fantôme insaisissable , où , au coeur de la nuit , il rencontre d ’ autres fantômes , rebelles et déchus comme lui , qui ont parfois le visage de Rimbaud . Et dans ce cloaque , Isusi , par petites touches , fait naître l ’ émotion . Une humanité secrète est constamment au coin de la page , pour mieux illustrer peut-être , un des plus beaux aphorismes de Wilde , comme quoi « Nous sommes tous dans le caniveau , mais certains d ’ entre nous regardent les étoiles ». Certes , dans « La Divine Comédie », Oscar Wilde a sans
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