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Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020 partie récupérée convoque l’ensemble de l’œuvre dont elle est extraite que l’auteur comprime en en laissant visible une petite section, un reflet, un écho, une variation qui éclaire indirectement la structure de l’intrigue ou des personnages. Intrigue et personnages apparaissent alors comme des fruits de collage, assemblage ou encore comme variations sur un thème inféré. La création de sens confiée au spectateur consiste à ce que ce dernier confronte les constructions mentales fondées sur les reprises et échafaudées par la représentation à leurs sources originales. Je vous propose à présent d’étudier la structure composite du personnage éponyme qui nous per mettra d’aborder le fonctionnement des récupérations de nature non discursive : la danse et le baiser. Salomé marque une évolution dramatique fulgurante entre le début et la fin de la pièce. Son personnage se développe sur une voie pavée de récupérations et évolue autour d’un axe qui est, quant à lui, original. Faite de toutes pièces (citations, actes reconnus comme identificatrices d'autres personnages littéraires ou folkloriques etc.) qui lui interdisent d'être "elle-même", Salomé finit par se dégager du poids de la tradition à la fois biblique, mythologique et littéraire, comme elle se dégage aussi des genres traditionnels (le masculin et le féminin), pour se définir elle-même à partir de sa propre sexualité idiosyncrasique—« son plaisir ». Il s'agit d'un autre exemple de performativité puisque ce "plaisir", annoncé comme trait identificatoire de Salomé, se transforme en spectacle (par le biais de la danse des sept voiles et du baiser nécrophile) présenté devant le public. On y reviendra. 33