Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020
consommé la moitié de la pomme que lui a offerte la sorcière, Salomé
répond : « Je n’ai pas faim, Tétrarque 1 ». Ce qui toutefois n’enlève
pas le pouvoir métamorphosant du baiser qui dans les contes des
fées sert d'antidote aux effets néfastes entraînés par des pommes ou
des quenouilles. On y reviendra aussi.
Définie par des reprises textuelles assemblées par le regard et la voix
d’Iokanaan et refusant la définition proposée par Hérode reposant
aussi sur des reprises, Salomé évoque les œuvres de certains
sculpteurs du siècle dernier, comme par exemple César, faites de
fragments hétéroclites, néanmoins soudées dans un ensemble solide,
harmonieux, et fortement sexué 2. D'autant plus que les sources
bibliques, mythologiques ou littéraires introduites par reprise
textuelle, servent des parties dramatiques non discursives. Inventée
par Wilde, « la danse des sept voiles », dont parle la didascalie, ne
figure pas dans le dialogue. Néanmoins, du fait que Salomé est
identifiée par Iokanaan à la "Fille de Babylone", les sept voiles de sa
danse indiquent la descente d'Ishtar aux enfers dont il a déjà été
question. Pour demander le corps de Tammouz à Ereshkigal, Ishtar
s'arrête à chacune des sept portes des enfers pour se défaire d’une
1
2
Salomé, p. 44
Comme c’est par exemple le cas du « Centaure », place Michel Debré, à Paris.
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