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Rue des Beaux-Arts n ° 80- Juillet – Août – Septembre 2022
D ’ ailleurs , Charlus , tout en affichant un goût prononcé pour le masochisme et la canaille , se sent parfaitement à l ’ aise et à l ’ abri entre les mains de ses tourmenteurs puisqu ’ il est en réalité chez lui , ayant chargé Jupien d ’ acheter pour lui l ’ établissement et de le faire gérer , avec pour mission de lui présenter de jeunes garçons sans scrupules , généreusement payés .
Proust s ’ était fait repérer dans un établissement situé au 11 , rue de l ’ Arcade ( quartier de la Madeleine ), dans un salon du rez-dechaussée où il consommait du champagne en compagnie d ’ Albert Le Cluziat , et de deux jeunes militaires : « des individus aux allures de pédérastes » nota la brigade des mœurs . Proust , cependant , ne fut pas inquiété , même si , au cours de la descente de police , on trouva dans les chambres de la maison de passe plusieurs hommes avec des jeunes gens mineurs , de 17 à 19 ans . Il prétendra auprès de sa gouvernante , Céleste Albaret , qu ’ il fréquentait ces lieux uniquement à titre de documentation pour son livre ( sans doute pensait-il à la célèbre scène de flagellation .) Peut-être aurait-il eu plus de mal à expliquer , qu ’ à l ’ instar de Charlus , il possédait des intérêts dans l ’ établissement , étant en quelque sorte le mécène de Le Cluziat , qu ’ il avait rencontré au cours d ’ une soirée chez un comte Russe , le comte Orloff , où Albert occupait l ’ emploi de premier valet .
Quand , en 1913 , Le Cluziat ouvrit un établissement de bains très spécial au 11 , rue Godot de Mauroy , Proust le soutint financièrement . En 1917 , c ’ est Proust encore qui avance les fonds pour la maison de plaisir pour hommes qu ’ inaugure Le Cluziat à l ’ Hôtel Marigny , rue de l ’ Arcade . Mieux encore , il lui
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