Isabelle Deshaies reconnaît la pertinence du jeu de rôle . Par contre , elle déconseille les jeux où le bluff semble un outil essentiel au plaisir , puisque avant l ’ adolescence , il peut sembler plus difficile à un enfant de distinguer le vrai du faux , et encore plus une ruse du jeu d ’ un « véritable mensonge ». Il en va de même de plusieurs autres comportements que l ’ on ne voudrait pas voir l ’ enfant adopter dans la vie quotidienne : « Il faut se demander où est rendu notre enfant . Si l ’ enfant n ’ a pas la maturité nécessaire et qu ’ il voit quelqu ’ un faire de la vantardise dans les jeux , il va prendre cela au premier degré et risque de l ’ imiter . »
Par contre , plusieurs autres aspects peuvent être ouvertement discutés avec les enfants , non seulement à propos des règles , mais des manières de jouer , de s ’ écouter , de se donner des chances ou de se répartir les tâches . Certains jeux obligent même à échanger des biens et à négocier . Par ailleurs , parents et enfants peuvent s ’ entendre ensemble sur leur intention de se montrer bienveillants ou sans pitié lors d ’ une partie .
Ce droit au chapitre dans ces décisions devient particulièrement pertinent à un âge de leur vie où la négociation des rapports sociaux devient un enjeu de premier ordre . Sylvain Trottier décrit même le jeu comme « un genre de simulation de la vie en société », sans trop de conséquences en cas de faux pas : « Tous les jeux de société ont un ensemble de règles écrites , que l ’ on peut considérer comme des lois , et des règles non écrites qui sont un peu comme nos mœurs , comme quand quelqu ’ un qui vient chez toi : c ’ est une règle écrite nulle part , mais dans un jeu de société , on retrouve aussi ces règles non écrites . »
Pas de plaisir , pas d ’ apprentissage
Au Centre de services scolaire Marguerite- Bourgeoys , le jeu est d ’ ailleurs déjà utilisé avec succès par Olivier Hamel et son équipe pour améliorer les comportements d ’ enfants jugés difficiles . Il se trouve donc en posture privilégiée pour évaluer tous les avantages du jeu sur l ’ apprentissage .
Étonnamment , Olivier Hamel est le premier à s ’ insurger lorsqu ’ on lui demande de suggérer un jeu à travers une démarche où le plaisir de jouer , d ’ imaginer ou d ’ explorer une culture nouvelle passerait en second plan derrière des objectifs d ’ apprentissage : « Il est certain que si j ’ arrive avec un élève qui a des difficultés de concentration , qui a des problèmes en mathématiques ou en français , et que le jeu que je lui présente s ’ appelle Calculago ou Nous allons combattre des monstres en faisant des multiplications , il va me dire que ça ne l ’ intéresse pas . C ’ est trop spécifique . Ce n ’ est pas intéressant . C ’ est flagrant . C ’ est là qu ’ apparaît le paradoxe . On ne peut pas faire ça . C ’ est ennuyant . Et il y a déjà trop d ’ enseignants qui l ’ ont fait malgré tout , en se disant que c ’ est une piste de solution . »
Devant une position aussi bien ancrée , j ’ étais impatiente de passer la main ( et le micro ) à celle qui m ’ apparaissait comme une adversaire de taille à cette position , puisque Isabelle Deshaies a fait de l ’ apport du jeu dans l ’ apprentissage des mathématiques sa vocation . La chercheuse admet qu ’ elle essaie d ’ aborder la chose avec un peu plus de diplomatie stratégique , en parlant aux enfants du préscolaire des « pièges » qu ’ ils doivent chercher à éviter , plutôt que de problèmes mathématiques . Elle révèle aussi commencer par miser sur le plaisir , pour mieux titiller l ’ envie de se surpasser , et ensuite explorer avec les enfants les différentes stratégies pour y parvenir .
28 mieux-vivre www . montrealpourenfants . com