Montréal pour Enfants vol. 20 n°4 / La rentrée scolaire 2020 | Page 18

d’empathie, on peut la voir comme la petite sonnette qui nous avertit “Est-ce que je me soucie seulement de mes besoins à moi ou aussi de ceux de mon enfant ?” Cette alarme doit sonner. S’il n’y a jamais de culpabilité, c’est soit que je fais toujours la bonne chose pour mon enfant, ou à l’autre extrême, que je ne me pose jamais de questions et que j’aurais avantage à m’en poser. » La psychoéducatrice Mélanie Bilodeau nomme quelques éléments de ce cocktail d’exigences concernant la communication parfaite, la gestion parfaite des horaires de chacun, la limitation du temps d’écran et l’alimentation parfaite. Elle y entrevoit autant de raisons pour les parents de douter de leurs actions : « Avant, si ton bébé avait été nourri et langé, parfait, tu étais un bon parent. Tu avais bien fait ce que tu avais à faire. Maintenant, c’est beaucoup plus difficile à mesurer. Si on voit qu’un enfant ne se sent pas bien, c’est beaucoup plus difficile de répondre à la question : “Est-ce que j’ai bien fait les choses ?” que de répondre à la question objective “Est-ce que j’ai pensé à nourrir mon enfant ?” » Le psychothérapeute conjugal et familial André Perron croit que, de nos jours, les parents se donnent moins le droit à l’erreur lors de leurs précieux moments partagés : « C’est le drame de certains parents, surtout aujourd’hui avec la difficile conciliation travail-famille et le manque de temps ; et, en plus, les modèles sociaux qui proviennent des experts proposent des standards de ce que devrait être un bon parent. Ce n’est pas comme dans le temps où on avait 12 enfants. Maintenant, on en a un, deux ou trois, et il faut s’en occuper parfaitement. » LORSQUE L’ENVIE DE TRANSGRESSER NOUS GUETTE La culpabilité ne semble toutefois pas particulièrement prendre pour victimes ceux qui se retrouvent trop nombreux dans leur petit logement, sans pouvoir s’offrir le luxe d’une alimentation bio ou des vêtements griffés et équitables. Chez les parents que rencontre Mélanie Bilodeau, les mêmes difficultés sont souvent nommées, quelle que soit la classe sociale. Et parmi celles-ci, les conséquences des façons parfois maladroites par lesquelles les parents tentent de compenser le manque de temps ou leur fatigue figurent souvent en tête de liste : « Les parents mieux nantis vont se sentir coupables parce qu’ils travaillent énormément et sont moins présents. Parfois, ils vont “acheter”, en quelque sorte, leurs enfants. Comme ils sont peu présents, il y a des nounous à la maison, et lorsqu’ils arrivent, ils ne mettent pas de cadre. Ils n’osent pas dire non et donnent tout ce que les enfants veulent. » Une telle attitude laisse alors le champ libre aux enfants voulant tester un peu plus les limites, ce qui rend les moments partagés moins agréables que prévu. Mais, précise Chantal Martel, ce n’est pas tant l’insatisfaction devant l’attitude des enfants ou leurs reproches qui créent la culpabilité et l’impression, pour les parents, de ne plus se conformer à leurs valeurs ou à une image fidèle à celle qu’ils se font du « bon parent » : « La culpabilité m’amène à me demander si mes idéaux sont trop élevés, si j’ai un clash de valeurs personnelles et où j’ai transgressé. Cela m’amène à me demander ce qui se passe et ensuite de faire une action. Transgresser, cela pourrait être, par exemple, pour un parent qui se sent épuisé, de crier très fort sur son enfant, alors que c’est contre ses principes. » 18 psychologie www.montrealpourenfants.com