Montréal pour Enfants vol. 17 n°6 Hiver 2017 | Page 40

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parfois de la leur! Et si ces adultes, qui œuvrent dans la sensibilisation, suggèrent majoritairement de réduire l’ accès des enfants d’ âge primaire aux différents médias d’ actualité grand public, Anne Sainte-Marie croit qu’ il est plutôt utopique de penser pouvoir éviter aux écoliers d’ aujourd’ hui de se trouver confrontés à ces réalités brutales: « De plus en plus, les enfants côtoient au quotidien d’ autres enfants venus d’ ailleurs qui ont été victimes de torture, qui ont été des enfants soldats, qui ont vu des choses épouvantables, qui ont été obligés de fuir à la nage leur village ou ont traversé le désert pour finalement se retrouver dans des camps de réfugiés. Les enfants rencontrent ces situations, pas seulement dans leur fil de presse, mais dans leur quotidien. »
Lorsque les enfants entendent parler, à travers des discours qui ne s’ adressent pas à eux, de cataclysme, d’ injustice ou d’ agression, il leur est alors difficile, avec le peu de notions qu’ ils possèdent, de parvenir par eux-mêmes à faire la part des choses. La situation est même parfois problématique si l’ on s’ adresse directement à eux, avec la sincère intention de les sensibiliser, mais que cela se fait de façon trop expéditive ou maladroite. Nancy Doyon, une éducatrice spécialisée qui fait depuis longtemps des conférences et des activités préventives auprès des enfants contre l’ intimidation et d’ autres abus, a pu observer la tendance de cette pensée plus dichotomique chez les enfants: « Plus les enfants sont jeunes, plus ils ont de la difficulté à comprendre la notion de risque potentiel. […] Je pense aussi à une de mes nièces qui était revenue de l’ école complètement paniquée, parce qu’ on lui avait appris l’ importance de la crème solaire: on lui avait expliqué ce que peut donner l’ exposition au soleil, dont des cancers de la peau, et ma nièce est rousse. Elle, avec ou sans crème solaire, des coups de soleil, elle en a fait une collection. Alors, vers l’ âge de 8 ans, elle craignait de mourir du cancer, et pour elle, ça allait se passer demain matin. Elle avait peur de mourir. »
C’ est d’ ailleurs pour cette raison que, lorsqu’ il s’ agit d’ aborder des problématiques aux conséquences potentiellement graves, comme l’ intimidation, madame Doyon tente de le faire sous l’ angle de l’ espoir et de la résilience: « C’ est très important que la personne passe la majorité de son témoignage à parler de la façon dont elle s’ en est sortie, ce qui l’ a aidée à s’ en sortir, qui lui a donné du soutien, quels sont les moyens qu’ elle a mis en place pour s’ en sortir. » À Amnistie internationale, on essaie même de faire rencontrer aux enfants des personnes libérées de prison grâce à la démarche de l’ organisme, alors que les actions proposées par les mouvements écologiques s’ avèrent souvent très concrètes et la manière d’ en discuter passe par le plaisir, voire l’ imaginaire: « Avec le conte, on utilise des marionnettes et on va présenter le roi de plastique qui parle de l’ enjeu du suremballage. Mais on en parle d’ une belle façon, on fait aussi beaucoup de jeux de mots, encore plus dans nos ateliers sur les fruits et légumes. Et, finalement, il y a un clin d’ œil du roi du plastique qui va aller prendre sa retraite dans le Sud, sur une île autour de laquelle il y a plein de plastique. Un enfant de 6 ans n’ aura pas nécessairement compris tout ce que cela peut signifier, mais ce qui est incroyable, c’ est que le message se passe sous forme positive, et cela nous fait penser à prendre notre sac en tissu la prochaine fois qu’ on va faire les courses » rapporte Murielle Vrins, chargée de projets chez Équiterre.
À la Fondation David Suzuki, Louise Hénault-Éthier affirme qu’ avant d’ aider la nature, il faut apprendre à l’ aimer. Cette guide naturaliste chevronnée remarque d’ ailleurs que plusieurs enfants n’ ont pas eu beaucoup d’ occasions de dépasser leur relation de méfiance face à la nature, ou d’ être en face du charme qui se cache derrière un simple boisé échappant encore à la domination humaine: « Quand on parle à un enfant, on veut qu’ il aime les fleurs. On veut qu’ il n’ ait pas peur des insectes. Qu’ il les aime. Qu’ il ait envie de jouer avec, dans ses mains. On veut qu’ il acquière ça dès le plus jeune âge pour qu’ il soit en contact fréquent avec la nature, une fois adulte. Les êtres humains ont une certaine phobie de ce qui est nouveau. Si on grandit en contact avec quelque chose, on va le comprendre et peut-être l’ aimer. Si on prend seulement contact avec la nature plus tard, on n’ a pas ce même attachement. »
Du jour de la terre au terrain quotidien
Toute cette approche a donc pour but d’ aider l’ enfant à créer un attachement envers le monde ou les valeurs qu’ il voudra ensuite préserver. Mais l’ objectif est également de lui montrer que, dès maintenant, il a, entre ses mains, ce qu’ il faut pour