Montréal pour Enfants vol. 17 n°3 Été 2017 | Page 18
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psychologie
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de peur associées à l’anticipation de choses que l’on
pourrait craindre », précise Jonathan Bluteau.
Ces distinctions sont importantes aussi parce que
chaque problématique exige une approche adaptée
selon le degré de gravité et le trouble spécifique qui,
dans le cas des troubles anxieux, se détaille en sept
catégories reconnues par les spécialistes de la santé
mentale, puisque chacune d’entre elles est associée à
des causes différentes : « Par exemple, un jeune pour-
rait avoir en bas âge une difficulté d’attachement avec
ses parents : cela le rendrait plus susceptible de vivre
plus tard une anxiété de séparation. Mais les difficultés
d’attachement ne vont pas expliquer un problème de
phobie sociale », souligne Lyse Turgeon. Identifier les
causes est d’autant plus complexe, selon madame
Turgeon, qu’il est courant que cette difficulté soit
masquée sous d’autres signes d’une problématique
plus apparente : « Par exemple, un jeune qui a de la
difficulté à se concentrer à l’école, cela pourrait être
parce qu’il souffre d’un déficit d’attention. Il pourrait
aussi avoir de la difficulté à se concentrer parce qu’il est
anxieux et s’inquiète de ses résultats. C’est pour cela
qu’il est important d’obtenir une bonne évaluation par
un professionnel qui va être en mesure de départager
les choses. »
Pas toujours visible
Frédéric Nault-Brière remarque d’ailleurs que c’est sou-
vent lorsque les problématiques s’aggravent au point
où s’y ajoutent d’autres problèmes de comportement
plus tangibles que les jeunes parviennent à obtenir de
l’aide : « Les jeunes qui ont un trouble intériorisé, par
exemple un trouble anxieux dépressif, peuvent essayer
d’obtenir de l’aide, mais cela ne veut pas dire qu’ils
vont le faire. Dans la grande majorité des cas, ils ne le
feront pas. Dans certains cas, ils vont recevoir un sou-
tien s’ils développent des problèmes à l’école, quand
on commencera à voir des répercussions négatives
sur leur fonctionnement scolaire ou sur leur comporte-
ment. Par exemple, on peut avoir des jeunes qui vivent
une grande souffrance psychologique et beaucoup de
détresse et qui vont commencer à consommer de la
drogue : cela peut être une façon inadaptée de gérer
leurs émotions. »
Monsieur Nault-Brière reconnaît même que le fait d’en-
visager la possibilité qu’un jeune, et encore plus un
enfant, puisse souffrir de dépression demeure assez
nouveau : « Jusqu’aux années 1990, ce que l’on
entendait à propos de la dépression, même chez les
chercheurs, c’était qu’elle ne se retrouvait que chez les
adultes. » Cet accès plus limité aux services pour ceux
qui, dès l’enfance, crient moins fort que les autres, est
un phénomène connu et pourtant, aux dires de ces
trois chercheurs qui consacrent leur vie à l’éducation
des jeunes, la situation a été loin de s’améliorer au
cours des 15 dernières années pour ces derniers : « Il
y a beaucoup d’écoles où il n’y a plus de psychologues
et encore moins de ressources professionnelles. Alors
le peu de ressources que l’on a, on est obligé de les
saupoudrer et de les répartir entre les priorités : avoir
un programme contre l’intimidation, aider nos enfants
qui ont des problèmes de comportement, ceux qui ont
des troubles d’apprentissage, ceux qui ont un déficit
d’attention avec hyperactivité, les enfants autistes que
l’on veut de plus en plus intégrer dans les classes régu-
lières, ce qui est très correct. On doit donc les répartir
entre les enfants qui ont besoin d’aide, les parents qui
crient le plus fort… alors les enfants qui sont anxieux
ou dépressifs sont toujours ceux qui vont passer en
dernier jusqu’à ce qu’il y en ait un qui dise : “Je ne
vais pas bien et je veux me tuer!” Et là, il va y avoir un
moment de panique à l’école », constate Lyse Turgeon.
Pourtant, nuance Frédéric Nault-Brière, les professeurs
et les éducateurs ne sont pas les seuls à avoir de la
difficulté à reconnaître les signes de la détresse d’un
enfant : « On a fait des études là-dessus : on a comparé
les avis des parents, des jeunes et des professeurs et il
n’y avait pratiquement pas d’accord. Ils ne rapportent
pas du tout la même chose. Les jeunes pouvaient rap-
porter des symptômes très élevés de souffrances, de
difficultés, mais ni les parents ni les professeurs ne les
avaient vus. » Il admet d’ailleurs qu’à travers tous les
bouleversements physiologiques et sociaux qu’amène
l’adolescence, il n’est pas toujours évident pour ces
derniers, et même pour les amis, d’y percevoir une
détresse, même lorsque les signes commencent à se
manifester physiquement : « Une très grande fatigue,
une difficulté à faire la moindre petite chose dans son
quotidien, comme se lever, s’habiller et prendre sa
douche. Mais là, ce qui est difficile à savoir, c’est si c’est
à cause de l’adolescence ou de la dépression : la ques-
tion se pose et c’est ce qui fait que c’est compliqué
avec les adolescents, plus qu’avec des adultes. »
Des pensées qui laissent des traces
Le temps qui passe avant que l’entourage ne réagisse
peut s’avérer lourd de conséquences : « Les parents
peuvent devenir excédés et cela peut créer des conflits
dans la famille. Cela peut aussi entraîner des difficultés
avec les amis et les pairs. Ce peut être des enfants
qui ont de la difficulté à nouer des liens d’amitié ou qui
peuvent devenir victimes de rejet. Cela peut aussi nuire
au développement, parce que ça empêche de faire