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Des parents qui, dans leur souci constant de bien jouer leur rôle parental et de contribuer au développement optimal de leur enfant, tentent d’ ouvrir celui-ci à toutes les possibilités, Michèle Paquette en voit beaucoup. Elle en rencontre aussi qui tentent de se fier davantage aux certitudes des livres qu’ aux interrogations et aux incertitudes que leur manifestent directement leurs enfants. Mais ceux-ci ne réussissent pas tous, pour autant, à éviter les pièges de l’ anxiété: « Mais la grande question qui demeure c’ est: jusqu’ où on va là-dedans? On risque, pour y parvenir, de se situer plutôt dans le“ faire” que dans“ l’ être” parce que notre société est comme cela et les parents s’ arrangent avec la société où ils vivent. Et cela, c’ est anxiogène pour un enfant: devoir atteindre des niveaux, performer. »
Il n’ est d’ ailleurs pas rare, constate Geneviève Racicot, que l’ anxiété se transmette d’ une génération à l’ autre. Mais elle voit aussi beaucoup de parents qui ont tendance à surprotéger leur enfant, en tenant les enfants loin des expériences et des sources d’ apprentissages qui pourraient les effrayer, renforçant donc, par le fait même, chez les enfants, l’ impression que le monde est hostile et qu’ ils sont peu équipés pour s’ y débrouiller: « Un enfant qui affronte une situation incertaine apprend à se sentir compétent. Par contre, un enfant intolérant à l’ incertitude peut penser à toutes les conséquences négatives d’ aller au camp de jour et tenter d’ éviter la situation. S’ il n’ y va pas, cela renforce l’ idée que l’ incertitude est intolérable. » En revanche, Simon, lui, a pu sentir les bienfaits d’ avoir pris son courage à deux mains afin de laisser sa fille grandir un peu plus loin de lui: « Je fais un effort aussi pour l’ envoyer à la garderie, pour qu’ elle se sépare un peu de papa. Depuis qu’ elle y va, elle s’ épanouit plus vite; alors, de voir qu’ elle va bien, comme ça, ça me pousse à ne pas lâcher. »
Entre cohérence et certitude
L’ individu, petit ou grand, a une seule mission sur terre, devenir lui-même. Cette religion est diffusée si fortement que l’ on n’ y prête plus attention, elle est devenue le“ sens commun” qui sert de repère. François de Singly, sociologue français
Ce sentiment d’ avoir une emprise sur le monde, qui donne l’ audace de faire des choix, s’ apprend d’ abord à travers le cadre offert à la maison, où l’ enfant commence à évaluer les conséquences de ses actes: « Des limites claires et cohérentes envoient le message que les demandes sont logiques et que ses parents se soucient de lui. Il peut se dire que, quand il passe à l’ acte, les conséquences sont prévisibles. Si les conséquences sont imprévisibles, il ne sait pas ce qui l’ attend. C’ est difficile de se fier à lui-même », explique Geneviève Racicot. Après bien des efforts en ce sens, Jean-Jacques semble maintenant satisfait des progrès de son fils: « Mon enfant, quand il est en colère, il le dit. Je le laisse se défouler et, après, je vais lui parler et je lui dis qu’ il m’ a blessé […] Je ne dis pas que je fais cela pendant une demi-heure, mais je veux qu’ il comprenne la conséquence de son action et je sais qu’ il la comprend parce que je lui demande parfois, devant une situation similaire:“ Est-ce qu’ il va se passer la même chose que la dernière fois?” Là, il se souvient des conséquences, et il ne recommence pas. »
Michèle Paquette précise, pour sa part, que le terme « conséquences » est loin ici de se limiter à celui d’ un interdit ou d’ une punition: « Parce que nous vivons dans un univers fini et que si je dis, par exemple, qu’ il y a 60 minutes dans une heure, je ne punis pas, je reconnais une finitude. La finitude, c’ est reconnaître que l’ on est des êtres humains, que l’ on a des limites et non du savoir ou des forces infinies. » Et Bernard est conscient de sa responsabilité de mettre les pendules à l’ heure, dans l’ univers fantaisiste de ses enfants, par des règles simples et claires: « Ils ont besoin d’ encadrement et c’ est notre rôle de les amener à la vie. Alors, les laisser s’ exprimer, c’ est bien beau, mais il faut les encadrer, après. Il ne faut pas les laisser dans leurs illusions. Parce qu’ ils en ont, de l’ imagination, à cet âge-là! »
Michèle Paquette constate toutefois que ces tentatives de cohérence, si assidues soient-elles, ne cacheront pas très longtemps aux enfants le fait qu’ ils vivent entourés d’ une multitude de paradoxes, qu’ il fait partie de leur devoir d’ enfants d’ apprendre à s’ adapter, en variant leur manière de réagir selon les circonstances. Mais cette tâche leur devient plus pénible, lorsqu’ ils ont l’ impression de devoir se plier simultanément à une double contrainte, de la part des êtres qu’ ils cherchent le plus à satisfaire: « Un exemple de message contradictoire qu’ un adulte peut envoyer à un enfant est de dire“ Je t’ aime beaucoup” avec un visage fâché. Alors, l’ enfant se demande“ Est-ce que je réponds au message verbal ou non verbal?” Dans la vie, les parents envoient plein de messages contradictoires. Les enfants qui sont plus souvent confrontés à cela vont tenter de répondre à seulement un des messages … mais ils vivent de l’ anxiété. Habituellement, ils répondent davantage au non-verbal et ignorent l’ autre message. Il y a des parents qui ne saisissent pas que leurs enfants ne semblent pas comprendre lorsqu’ ils leur disent qu’ ils les aiment, parce que les enfants ne réagissent pas à ce message-là, ils essaient de répondre à l’ autre message. » Cette exigence de cohérence pour les parents doit quand même parvenir à se marier avec celle de démontrer à son enfant son amour, même dans les moments difficiles: « C’ est sûr qu’ il faut rassurer un enfant et lui faire comprendre