Comme toujours chez Marivaux, l’action se déroule dans un lieu clos. L’espace de narration y est toujours comme une éprouvette qu’il utilise pour façonner la démonstration des fonctionnements des interactions sociales. Cette éprouvette nous montre ici un espace de vente et d’achat, une bourse à la vie et aux corps où Lucidor décide d’acquérir une femme, celle qu’il convoite depuis son arrivée dans la propriété de Madame Argante, Angélique. Celle-ci devient l’objet d’une Epreuve. Mais est-ce vraiment une épreuve ?
Elle est présentée au valet de Lucidor, travestit pour l’occasion en homme du monde. On lui propose alors de l’épouser. Si elle épouse ce valet, elle n’aura rien, restera seule. Elle peut aussi épouser Maitre Blaise, un fermier voisin qui la dégoute, se contenter d’une vie de labeur et sans amour. Elle veut Lucidor, mais ne le dit pas. Lucidor ne semble à aucun moment inquiet ou réservé sur le choix d’Angélique. Il est sûr qu’il sera choisi malgré, tout. Il sait dès le départ comment les choses vont finir, du moins c’est ce qu’il pense.
Il ne tend pas une Epreuve à Angélique, il opère une OPA.
Il lui tend un piège à l’intérieur duquel elle n’a pas d’autre choix que de l’épouser et de l’en remercier. Il crée le piège dont il va la tirer. Marivaux ne nous montre ni histoire d’amour, ni badinage, il nous montre l’histoire d’une économie.
Marivaux décrit une certaine économie de l’intime. L’argent n’est ici qu’un agent, celui de Lucidor, il aura pour but de donner une valeur monétaire à Angélique, la valoriser pour minimiser les pertes, calculer les risques, éviter le leackage.