respectueuse , voire cérémonieuse nous guette au tournant . Nous passons souvent à côté des livres et des œuvres d ’ art que nous considérons comme des chefs d ’ œuvres en prenant pour acquis qu ’ aucune autre action n ’ est nécessaire , et qu ’ aucun autre plaisir ne peut être ressenti .
Kind of Blue est peut-être un disque qu ’ on a trop étudié . Ashley Kahn , l ’ un des principaux commentateurs contemporains de jazz , a consacré un livre entier à son élaboration . Sa méthode est archéologique , reconstituant les sessions via des discussions en studio , des notes griffonnées , le premier brouillon de Bill Evans pour le texte de la pochette , une enquête extrêmement minutieuse comme le sont généralement celles de l ’ auteur . Pour Kind of Blue : The Making of the Miles Davis Masterpiece , il a interviewé les quelques participants survivants – seul le batteur Jimmy Cobb était encore en vie parmi les musiciens – et de nombreux autres qui y étaient associés de plus ou moins loin . Contrairement à l ’ approche de Kahn , l ’ écrivain anglais et animateur expérimenté Richard Williams , place l ’ album dans The Blue Moment ( c ’ est aujourd ’ hui aussi le nom de son blog culturel ) dans le contexte d ’ une “ nouvelle vision de la musique moderne ” à grande échelle . Pour Williams , Kind of Blue évoque quelque chose qui serait autrement indéfinissable , une constellation de sentiments peutêtre autrement mieux exprimés dans l ’ écriture existentialiste et les chansons que Miles a découvertes à Paris . Un paradoxe : “ le plus singulier des sons , mais parmi les plus omniprésents … le son de l ’ isolement , qui s ’ est vendu à des millions d ’ exemplaires ”.
Il existe d ’ innombrables autres récits sur la réalisation du disque , dans les livres du premier biographe Ian Carr , So What de John Szwed , It ’ s About That Time de Richard Cook , ainsi que ma propre et brève étude de la vie et de l ’ œuvre de Miles . Une
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