Le courage ensuite.
La volonté ne peut pas grand-chose sans la
mobilisation du courage.
En effet, le courage permet d’éprouver la nature
de la volonté.
Être courageux, c’est déjà vouloir.
C’est décider de vouloir.
Paul Nizan disait " Le courage véritable consiste
chaque jour à vaincre les petits ennemis.
Le faux courage attend les grandes occasions...".
Personne n’est courageux une fois pour toutes : le courage est le fruit
d’une décision sans cesse renouvelée.
Il ne se délègue pas à d’autres et n’a qu’une seule temporalité, le
présent. Nul ne peut décider d’être courageux dans une heure, un jour
ou un mois.
Seule la confrontation à l’épreuve permet de faire face avec courage.
Être courageux, ce n’est pas ignorer la peur (ce serait plutôt de la
témérité), mais bien au contraire c’est y faire face parce qu’on la connaît
et que l’on a volontairement décidé de la dépasser.
La question de la peur est mystérieusement liée à la définition du
courage.
Le courage est l’art du commencement.
C’est ce premier petit pas qui rend compte de la mobilisation.
Hélas, point de capitalisation possible. On peut être courageux un
jour et non le lendemain. Réaliser chaque jour de petits exercices de
courage, c’est apprendre à mobiliser cette vertu cardinale.
Pour Malraux, le courage c’est comme pour les fusils, ça s’entretient au
quotidien.
Alors quand et comment commencer pendant les entraînements de
CROSSOPS ?
La première mise à l’épreuve du courage consiste à dépasser le
découragement.
Il s’agit d’admettre que l’on a pu faillir, que l’on a pu être abattu, défait,
blessé, mais que l’on est décidé à re-bondir, à re-vivre, à re-partir, à
re-agir.
On apprend chaque jour le courage par de petits exercices, par de
petites exigences de faire face aux risques et aux dangers.
Il s’agit par exemple, au terme d’une chute, d’accepter l’aide de
quelqu’un pour se relever, pour retrouver la vitalité.
En cela, l’humilité est un vecteur du courage.
L’apprentissage du courage c’est la politique des petits pas.
Ainsi nourri au quotidien, le courage rend l’acte à réaliser anodin.
L’acquis du courage a alors l’efficacité de l’inné.
Le corps devenu, sous l’entraînement, l’automate du courage peut ainsi
se substituer à l’âme 10 qui faillit.
10 - Ame au sens de principe de vie nommé Qi ou Tchi dans la pensée chinoise,
Aum dans la pensée indienne et pneuma dans la pensée grecque.
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" La densification psychologique du combattant regroupe une phase
préventive qui consiste, à travers l’aguerrissement, à permettre
au combattant " d’être et de durer "… Il importe de se connaître
intimement, de donner du sens à son engagement et d’être prêt à
donner sa vie si les conditions l’imposent. Ce qui constitue le cœur,
voire l’essence du métier, c’est le risque - avec cette sublimation qui
peut aller jusqu’au sacrifice de sa vie au combat. C’est pourquoi se
densifier philosophiquement, métaphysiquement est si important ." 11
Le professionnel exposé aux dures réalités du combat, se pose de
plus en plus souvent les questions du sens de son engagement et de
celui qu’il veut donner à sa vie. C’est au cœur même de sa pratique
du CROSSOPS que chaque pratiquant doit construire le sens qu’il veut
donner à sa vie, à son engagement.
" L’éventualité de sa propre mort pour un individu, lorsqu’elle apparaît
pour la première fois, peut lui être d’une certaine manière traumatisante,
car en convoquant le sujet, elle lui pose la question même de son être." 12
Le besoin d’idéal, de transcendance est indispensable pour tout
homme. Il est encore plus nécessaire pour celui qui côtoie la mort dans
son métier. Clémenceau glorifiait ainsi le soldat de la grande guerre lors
d’un discours pendant la séance à l’assemblée nationale le 11 novembre
1918 " Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd'hui soldat de
l'humanité, sera toujours le soldat de l'idéal."
En conclusion, c’est pour se préparer à l’engagement opérationnel que
chacun doit développer ses forces physiques, ses défenses psychiques
pour prévenir, gérer et se protéger des réactions de combats, qu’elles
soient immédiates comme dans les états de stress, profondes comme
dans les états de traumatismes psychiques ou très éloignées comme
dans les réactions tardives de stress post traumatiques.
L’équilibre d’une densification globale, du corps, du psychique et
de l’âme est un gage de protection du soldat et de réussite pour les
missions opérationnelles.
Si " Le guerrier sonne le plein " alors chacun doit s’éprouver par la
philosophie du marteau selon le précieux conseil de Nietsche dans le
crépuscule des idoles non pour se frapper et se faire mal, mais plutôt
pour prendre la mesure de la résonance de son être (suis-je dans le
Paraître ou suis-je dans l’Être).
Alors, à l’écoute de sa résonance, des sonorités de ses pleins et de ses
vides intérieurs, le pratiquant de CROSSOPS pourra t-il suivre ce conseil
judicieux de Gustave Thibon : " J’ai dessiné les contours de mon vide
intérieur, alors j’ai sculpté en relief ce que j’étais en creux ."
Bonne pratique du CROSSOPS à tous.
11 - Venard (G.), Legrier (F.-R.), Chaput (G.), Venard (C.), " Améliorer la préparation
psychologique du combattant : Le principe de densification ", Inflexions n° 12
" Le corps guerrier , La Documentation française, Paris, Octobre-Décembre 2009.
12 - Boisseaux (H.), " Le stress au sein de la population militaire : du stress opérationnel à
l’état de stress post traumatique", Revue Médecine et Armée, tome 38 n°1, février 2010.
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