Seules l’anticipation des situations et une préparation physique et
mentale adaptées (individuelle et collective) aux risques pourront
limiter les effets toxiques des états de stress dépassé.
C’est par la densification de l’Être 2 que de nombreux opérationnels mais
aussi de nombreux industriels se préparent à affronter les conditions
hostiles pour ne pas vasciller pendant l’épreuve car " Nul ne sait à quel
point il est fort, jusqu'au jour où être fort est la seule option." 3
L’homme dense ne se construit pas sur la seule apparence, sur le
paraître en prenant le risque d’un effondrement physique ou psychique
aux premières difficultés majeures mais sur la solidité et la résistance
intérieure de sa substance.
La densification physique est le premier objectif de la pratique du
CROSSOPS.
Il convient de posséder une charpente musculaire adaptée aux
contraintes mécaniques que devra subir l’individu.
Cette pratique sportive a un objectif missionnel essentiel celui
d’architecturer les corps.
N’oublions jamais qu’un corps qui s’épuise perd tout ou partie de sa
lucidité du fait d'un ralentissement de ses fonctions cognitives.
La pratique CROSSOPS doit essentiellement être vécue comme une
expérience de chair , c'est-à-dire comme le lieu d’une " réhabitation "
de son être physique. Il ne s’agit pas de penser le sport pour le sport
mais d’en faire un " support " donnant un accès privilégié au schéma
corporel mais aussi et surtout au monde de la sensation.
" Le corps ne peut être disponible dans l’action que s’il est lié à la
sensation immédiate" 4 .
Il ne doit y avoir ni volonté de mépriser le corps ni tentative de le
dominer (soumettre ?).
Il faudra au pratiquant résister à l’esprit de compétition comme il lui
faudra bannir le culte de la performance qui est fondé sur des pensées
magiques qui au final ne font qu’altérer l’image de soi.
Le travail de l’endurance et la pratique de l’aguerrissement doivent
permettre au pratiquant de CROSSOPS de s’habituer à tenir le coup
dans la durée parfois même dans des conditions dégradées.
La notion d’aguerrissement se situe nettement à la confluence entre
densification physique et densification psychique. Ne l’oublions jamais,
Frère Ane regimbe devant l’effort et lorsqu’il est sollicité aux limites
de l’endurance, c’est son moral qui commence à s’affaisser. Comme l’a
écrit Arthur Schopenhauer :" Pour s’endurcir, il faut soumettre le corps
à beaucoup d’efforts et de fatigue. Il faut l’habituer à tout ce qui peut
l’affecter, quelque rudement que ce soit." 5
L’objectif est de pousser les individus dans leurs derniers retranchements.
2 - Gérard Chaput, Christian Venard, Guillaume Venard, " La densification de l’Être,
se préparer aux situations difficiles ", [2 e édition], Ed. Pippa, 2018, 192 pages.
3 - Bob Marley.
4 - Mathilde Monnier, Directrice du Centre Chorégraphique National de Montpellier.
5 - Arthur Schopenhauer, " Aphorismes sur la sagesse dans la vie", Ed PUF, 2004, 240 p.
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Enfin, la pratique du CROSSOPS doit être également abordée comme
un temps d’apprentissage de la douleur.
Il ne s’agit pas de faire de la douleur " son maître " mais plutôt un
éducateur (en excluant toute pratique masochiste).
Si le militaire à l’entraînement n’est pas capable d’accepter la
souffrance, qu’en sera-t-il de sa résistance à la fatigue et aux douleurs
liées par exemple au port de charges lourdes sur de longues distances,
aux ambiances de froid intense ou de chaleur excessive… pendant les
phases de combats ?
L’habituation régulière aux sensations physiques désagréables, à
la douleur permettra, outre l’apprentissage de l’attention portée
aux sensations transmises par le corps, une dédramatisation de ces
sensations et la capacité à contrôler ce qui peut l’être.
En situation opérationnelle dégradée, le retour à l’équilibre n’en sera
que plus rapide.
Cette densification physique par le CROSSOPS va aussi être le socle, le
fondement d’un " psychisme densifié ".
Si le renforcement physique est nécessaire, il est insuffisant, c’est
pourquoi le principe de densification se décline notamment sur les
sphères du psychologique et du philosophique.
La première étape du travail sur le psychologique sera celui de
l’éducation par la douleur.
Apprendre à la relativiser voire à la domestiquer est essentiel pour le
soldat, le policier ou le gendarme.
L’habituation à la souffrance (encore une fois sans approche masochiste)
permettra, à certains d’entre eux, d’atteindre le statut de héros lorsque
les circonstances l’exigeront.
Comment ne pas penser à Jean Moulin héros de la Résistance, torturé
par Klaus Barbie dans les geôles lyonnaises, qui accablé de douleurs
puise au fond de lui-même et trouve les ressources pour résister à son
tortionnaire sans trahir ses amis ?
Malraux rendant hommage à Jean Moulin entrant au Panthéon le 19
décembre 1964 nous le rappelle : " Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu
penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre
face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce
jour-là, elle était le visage de la France...".
L’apprentissage de la douleur dans la pratique du CROSSOPS permettra
à nombre de ses pratiquants d’être en capacité de se sublimer lors de
missions difficiles.
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