24
Salons
Impressions,
soleil levant
Par Emmanuel Abela
et Laurine Biessy
Jean-Luc Lucas, le Directeur
Artistique de Kraemer, aime
prendre des voies détournées,
les contre-allées. Il nourrit les
collections du groupe en
visionnaire de la coiffure,
de manière parfois décalée,
mais toujours avec une conscience
approfondie des réalités d’un
métier en pleine mutation.
Comme tout artiste, Jean-Luc cultive sa propre singularité et
aime vous prendre à contre-pied. Il l’avoue d’emblée : « Mon
univers est un peu décalé ! ». Le fait d’avoir vécu à Paris explique
en partie qu’il se soit volontiers confronté aux avant-gardes,
notamment en ce qui concerne la communication. Vous ne
l’entendrez pas parler de collections, mais bien d’« images »,
même s’il reste conscient des enjeux, comme ça a été le cas
avec The Morning Show, la dernière collection qu’il a signée
pour le groupe Kraemer. Ces images, il les nourrit au quotidien,
avec un regard aiguisé sur l’environnement de la mode, mais
aussi des arts justement. À ce titre, il confie sa passion pour le
peintre Pierre Soulages : « Ce que je préfère chez Soulages, c’est
la recherche de la lumière sur des fonds et des matières qui, au
premier abord, ne sont pas une chose évidente. Un peu comme
nos clientes qui remettent tout leur espoir entre nos mains pour
faire ressortir l’étincelle de lumière qui les rendra radieuses ». On
le constate, de la peinture à la coiffure, il n’y a qu’un pas que
Jean-Luc Lucas franchit allègrement. Derrière son Morning Show,
on situe clairement cette quête de lumière ; à la manière de
certains peintres qui s’attachaient aux couleurs de l’instant, il
adapte ses coupes qu’il souhaite, pour l’occasion, révélatrices de
la fraicheur matinale.
Comme il l’affirme lui-même, « il aime sortir des sentiers
battus ». À Paris, il a travaillé dans la publicité et l’information
pour différents groupes. A ce titre, il porte un jugement assez
sévère sur les effets de surenchère qui font qu'on oublie « le
fond réel du produit et qu’on ne voit que ce qu’il y a autour ».
Avec sa culture underground et en parfait franc-tireur – que
certains seraient tentés de qualifier de punk, dans l’attitude –, il
échafaude des plans com’ qui n’en sont plus, et surtout qui vont
à l’encontre de tout ce qui se pratique dans le milieu. Qu’on
en juge : dans son salon à Ajaccio, nul enseigne, pas de carte
de fidélité ni remise. « Je suis fermé le samedi », s’amuse-t-il.
Par contre, il cherche à interpeller par sa créativité propre. « Je
suis favorable à des messages qui ont une portée, des messages
forts ! » Cela passe par la décoration intérieure, l’univers qu’il
cherche à créer pour accueillir ses clients. « Je suis plutôt porté
par un esprit vintage au niveau des ambiances. » Et de solliciter
ses amis peintres dont il expose les toiles dans son salon. De
même qu’une amie brocanteuse qui lui livre ses bons conseils.
Enfin, il multiplie les animations qui font que dans son salon
on n’y vient pas seulement pour se faire couper les cheveux ou
passer un moment de détente, mais aussi parce qu’il s’y passe
de petits événements culturels qui mettent les clients en contact