Magazine Kraemer KRAEMER MAGAZINE 04 | Page 25

25 Daniel Gasser, triptyque pastel et encre, 2m X 0,95 Daniel Gasser peintre à Strasbourg Daniel Gasser avoue son attachement à la figure humaine comme l’expression de nos sentiments. Rencontre avec un artiste strasbourgeois qui affirme de vraies convictions. Qu’est-ce qu’un artiste aujourd’hui ? Être artiste, c’est un mode de vie, cela s’invente tous les jours. C’est bénéficier d’un formidable espace de liberté, d’une place privilégiée, mais pas facile à tenir. Cette liberté est précieuse, mais elle a un prix : être artiste reste un engagement à vie, un défi permanent de tous les instants. En tant qu’artistes, nous sommes les observateurs de la société, nous sommes chargés de lui donner du sens et de la faire avancer. Le plaisir, l’émotion, la conscience d’où nous venons et la confiance dans l’avenir, c’est la vérité, l’antidote à l’éphémère. Quel regard portez-vous sur la culture et l’art contemporain ? L’art contemporain est souvent mal compris, on le méprise et on le tourne en dérision, pourtant 67 % des Français voient dans l’art quelque chose d’universel et d’essentiel pour l’humanité. Ils comprennent l’art comme un cheminement vers la beauté, ils partagent l’espérance selon laquelle « la beauté sauvera le monde ». Par contre, 20 % des Français voient dans l’art un luxe inutile réservé à des privilégiés. Cette hostilité est provoquée par le fait que l’art contemporain a pris hélas une dimension élitiste et est devenue un produit de marché. Cotées sur Internet, les œuvres d’art contemporaines sont devenues une manne financière potentielle, qui n’exclut pas les effets de mode au détriment des travaux réellement de qualité. rebelle, excentrique, passionné et libre… Il est très difficile de vivre rapidement de son art, seuls 6 % des 54 000 artistes environ déclarés en France obtiennent des revenus artistiques confortables. Une minorité de stars soutenues largement par les institutions et les grands circuits marchands deviennent de véritables refuges pour spéculateurs. La grande majorité des artistes fait tous les métiers du monde de longues années pour survivre : il y autant de créateurs qu’il y a d’œuvres : il est donc impossible d’établir une typologie. Le niveau de revenus est le premier facteur d’inégalité d’accès à la culture. La figure humaine est centrale dans vos œuvres. La clé de mon travail est l’univers de l’homme, le langage du corps qui exprime ses souffrances, ses doutes, ses jouissances, ses joies. C’est l’homme porteur et ses désirs dans l’attente, l’angoisse, la solitude, la complexité et la vie. Je dessine toujours, poussé par une certaine abstraction destructrice, mais en contact permanent avec la réalité, le dessin se confond alors avec l’écriture. Quel est, selon vous, le principal critère de réussite d’un artiste ? Le principal critère de réussite d’un artiste pour le public est sa notoriété, mais l’essentiel pour moi est le bonheur qu’on m’a donné de créer, de m’exprimer, de vivre de mon art, c’est de réussir sa vie d’homme et d’artiste. Je pense que l’envie de créer est naturelle et inhérente à chacun ; il y a des talents libérés et des talents inhibés Il n’y a pas de mauvaise œuvre, il y a des œuvres comprises ou pas. Peut-on vivre de sa peinture aujourd’hui ? Dans l’imaginaire des gens, l’artiste c’est Van Gogh « une vie pénible, dont le génie n’est reconnu qu’à titre posthume » ; on reste encore sur cette figure de l’artiste maudit, marginal,