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destruction d’installations industrielles peut entraîner la diffusion de polluants dans
l’air, le sol et les eaux souterraines, avec des effets néfastes sur les populations qui
s’étendent au-delà de l’espace et du temps des conflits. L’incendie par le prétendu
État islamique de la centrale électrique de Michraq en Irak avait ainsi créé un
panache toxique qui a causé l’hospitalisation de plus de 1 000 personnes.
La reconstruction des infrastructures civiles, mais aussi le déminage des sols
– qui pourrait en Syrie prendre plus de cinquante ans – doivent alors répondre à ce
que le CICR qualifie « d’effets domino » des conflits.
Plus spécifiquement, et comme l’a souligné le rapport Martinez Cinquante
propositions pour protéger le patrimoine de l’humanité , le patrimoine culturel est
de plus en plus fréquemment ciblé de façon délibérée lors des conflits armés.
Pour certains belligérants, il s’agit d’attaquer le passé et la mémoire de minorités
culturelles, afin de les atteindre et de les fragiliser. Attaquer la culture d’une société
revient à porter atteinte à son identité et à sa cohésion, favorisant ainsi les cycles de
haine et de violence.
Les atteintes au patrimoine et aux biens culturels et religieux dans les
conflits contemporains tiennent aussi, pour Jean-Luc Martinez, au développement
des moyens de communication qui permettent de relayer en temps réel les
destructions et donc d’amplifier les stratégies de terreur et de démoralisation de
l’adversaire. La prise de conscience de la valeur marchande des objets
archéologiques et des œuvres d’art a aussi joué un rôle, certains groupes armés ayant
recouru aux pillages et aux trafics à des fins lucratives. Enfin, les moyens techniques
de destruction et de détection des objets (dans le cadre de « fouilles sauvages ») sont
plus sophistiqués et accessibles que par le passé.
La destruction du patrimoine dans les conflits armés prend plusieurs
formes :
– les destructions résultant de la conduite des hostilités, lorsque le
patrimoine devient une victime collatérale de la conduite des hostilités ;
– le vandalisme idéologique, qui vise à anéantir tout ce qui s’oppose à la
vision idéologique de certains belligérants, à l’instar des destructions du musée de
Mossoul en Irak en 2015 par des membres du prétendu État islamique ;
– les pillages à but lucratif, fréquemment constatés en zones de conflit
depuis le début des années 1980 ;
– l’abandon des sites et/ou l’interruption du fonctionnement normal
des administrations, conséquence indirecte de la conduite des hostilités dont les
effets sont parfois plus destructeurs que les combats et bombardements.