Luxury Indian Ocean LUXURY INDIAN OCEAN #7 EDITION 2018 | Page 45
DÉCOUVERTES
SAUVER
RÉCIFS ?
À les voir, avec leurs formes hétéroclites et fantaisistes, on pourrait
facilement oublier que les coraux sont des animaux. Il faut dire que
leur mode de fonctionnement est pour le moins inhabituel : des algues
microscopiques – les zooxanthelles – vivent dans les tissus coralliens
et, grâce à la photosynthèse, transforment la lumière du soleil en
nourriture pour les coraux. En échange, les zooxanthelles bénéficient
d’un endroit pour vivre. Mais cette relation symbiotique est rompue
lorsque la température de l’eau augmente, ce qui pousse les coraux à
expulser ces algues colorées : blanchies et dépourvues de nutriments,
elles meurent alors de faim. Pourquoi faut-il s’en inquiéter ?
Parce que les récifs coralliens font partie des écosystèmes les plus
menacés de la planète. Les 284 300 km 2 de récifs présents sur Terre
abritent une incroyable biodiversité, nourrissent et soutiennent
les communautés côtières, empêchent l’érosion des côtes par les
tempêtes tropicales et font obstacle à l’élévation du niveau de
la mer. La valeur économique des récifs coralliens (qui abritent
près d’un poisson sur quatre de la planète) est estimée à environ
1 000 milliards de dollars ; ils génèrent également 300 à 400
milliards de dollars par an en termes de nourriture et de moyens de
subsistance. Ces forêts tropicales sous-marines sont également de
plus en plus souvent présentées comme de véritables « pharmacies
sous-marines » : les scientifiques isolent des composés chimiques
dans les algues bleues, les coraux et les éponges présentant des
propriétés susceptibles de guérir nos maladies les plus courantes,
telles que le cancer.
Mais les récifs coralliens disparaissent à un rythme croissant (1 à 2%
par an), et pourraient même totalement disparaître d’ici 30 à 40 ans.
L’extinction de ces écosystèmes magnifiques et essentiels constitue
une sérieuse menace pour des millions de personnes à travers le
monde, dont la vie quotidienne est intimement liée à celle des océans.
« La hausse des températures, les eaux acidifiantes, les
mauvaises pratiques de pêche, les développements côtiers, les
émissions de carbone… pour n’en nommer que quelques-unes.
Les activités humaines pèsent lourdement sur les écosystèmes
des fonds marins. La menace est réelle », note Rick Bonnier,
bénéficiaire de la bourse Mandela Washington Fellowship du
programme Young African Leaders, qui travaille actuellement
sur le prototype d’un appareil dont l’objectif est de débarrasser
nos océans des débris de plastique.
Bien qu’il ait beaucoup de défis à relever pour réaliser son projet, la
détermination du jeune homme, originaire de Curepipe, reste intacte.
Rick raconte avoir demandé à sa tante, revenant d’un voyage aux
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États-Unis, de lui rapporter des pièces de matériel manquantes. Le
financement est aussi un problème majeur, même si Rick a puisé
dans ses propres fonds afin de développer son dispositif de nettoyage
des océans. Mais rien de tout cela ne le décourage : le souvenir d’une
tortue de mer avalant du plastique suffit à garder sa motivation intacte.
La crise que traversent les récifs coralliens témoigne clairement du
plus grand combat de notre époque : la réduction des émissions de
gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. Face à
l’ampleur des défis, il est nécessaire de travailler à différentes échelles
– locale, régionale et mondiale – avant qu’il ne soit trop tard. « Le
changement climatique ne connaît pas de frontières », ajoute Rick.
Les petits États insulaires disposent de vastes ressources maritimes ;
une opportunité de taille pour l’économie bleue. Ils ont également
beaucoup à perdre s’ils ne rendent pas cette économie viable. Les
efforts de conservation dépendent de notre capacité à mettre en
œuvre des politiques de gestion et des pratiques exemplaires.
Dans le cadre d’un ambitieux projet – le Seychelles Marine Spatial Plan
(planification de l’espace maritime des Seychelles) –, le gouvernement
seychellois a créé deux nouvelles aires marines protégées couvrant une
superficie de 211 000 km 2 : une première dans l’océan Indien, et la
deuxième initiative de ce genre au monde. Les fermetures saisonnières
de la pêche au poulpe à Rodrigues, permettant à la faune de se rétablir,
sont aussi devenues un modèle pour d’autres pays du monde.
Cependant, les gouvernements continuent toujours de développer
l’industrie des énergies fossiles – un échec politique alarmant
pour nos récifs. Des moyens drastiques pour sauver les coraux
devraient être envisagés, tels que l’investissement dans de grandes
pépinières de corail, l’élevage de « super coraux » résistants à la
chaleur, l’adoption de lois limitant la capture d’espèces en danger,
l’interdiction de produits en plastique et en polystyrène à usage
unique, ou même l’application de taxes environnementales
spécifiques qui financeraient directement des actions de
conservation et un marché d’écotourisme.
De nombreuses questions se posent aussi à plus petite échelle au sein
de l’océan Indien. Pourrait-on défendre un modèle de coopération
régionale ? L’objectif 17 des Objectifs de développement durable
(ODD) des Nations Unies s’intitule : « Partenariats pour la réalisation
des objectifs ». Sun Resorts est le premier groupe hôtelier mauricien
à avoir signé un protocole d’accord avec l’Université de Maurice,
permettant aux étudiants de conduire des recherches directement en
phase avec l’industrie du tourisme.
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