Derrière les longues plumes de Bison Futé se cache le service public d’ information routière. Celui-ci voit le jour dans les années 1960 alors que l’ usage de l’ automobile se démocratise. Après la guerre, la France se modernise à grands pas. Le ministère de l’ Équipement construit des autoroutes et les Français achètent des autos pour partir en vacances ou en week-end et c’ est ainsi que les premiers embouteillages apparaissent. Pour éviter ces déboires, Radio France et la Gendarmerie nationale mettent en place un partenariat pour informer les automobilistes. L’ information publique routière est née. La radio est alors le principal canal. Sa diffusion en temps réel est idéale pour prévenir les automobilistes de l’ état du trafic. Au début, seule la région parisienne est couverte. Mais à mesure que le réseau autoroutier français s’ étoffe, la couverture s’ étend à l’ ensemble de la France. En 1969, une première étape est franchie. Les ministres de l’ Intérieur, de la Défense et de l’ Équipement-Transports décident de regrouper leurs moyens au sein d’ une structure interministérielle: le Centre national d’ Information routière( Cnir). Il est chargé de recueillir, d’ analyser et de diffuser. Installé dans le Fort de Rosny-sous-Bois en Seine-Saint- Denis, le Cnir se fait connaître sous le nom de « PC de Rosny ». Pour améliorer le quadrillage du territoire national, sept centres régionaux d’ information et de coordination routière( CRICR) sont créés en 1972. Ils reprennent le modèle interministériel du Cnir et s’ implantent à Metz, Lyon, Bordeaux, Lille, Marseille, Rennes et Créteil. En 1975, un gigantesque embouteillage va tout changer. Le 2 août 1975, 600 km de bouchons cumulés sont enregistrés sur la RN10 qui relie
La petite histoire d’ un grand sioux
Paris à l’ Espagne. 60 000 véhicules sont bloqués, les vacanciers s’ impatientent et provoquent des accidents. Le ministère des Transports décide alors d’ améliorer l’ information routière. Elle doit être plus audible et les vacanciers doivent être mieux renseignés sur les itinéraires bis. Pour faire passer ce message, une grande campagne de communication est lancée. C’ est la naissance de Bison Futé. Le jeune indien sera la voix du Cnir et donnera aux automobilistes des conseils pour éviter les embouteillages. D’ autres noms ont été évoqués: « Thimotée », un oiseau avec de grosses jumelles; « Super-Gertrude », au nom dérivé de l’ ordinateur du centre routier de Bordeaux; « Ginette », la girafe, qui du haut de son long cou dominerait la situation … Mais c’ est finalement Bison Futé imaginé par le publicitaire Daniel Robert, qui est adopté, parce que l’ Indien est subtil et qu’ être Sioux, c’ est être adroit et débrouillard! Durant tout l’ été 1976, des jeunes gens déguisés en Amérindiens sont envoyés sur les routes de France. Ils distribuent des cartes routières et donnent des indications sur les routes les moins fréquentées. L’ opération est un succès, l’ encombrement chute de 30 %. Après ce lancement réussi, l’ Indien des plaines s’ installe dans le paysage des vacances. Sur le bord des routes, il prodigue des conseils malins et à la télévision il avertit les automobilistes sur les jours les plus chargés. Au fil des ans, il devient le compagnon de voyage de tous les Français. Mais au début des années 1980, notre jeune sioux est menacé. Le succès initial n’ est plus au rendez-vous. Les campagnes publicitaires télévisuelles sont jugées peu efficaces. La marque doit se réformer et le renouveau intervient en
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Société
1982. Une nouvelle campagne est lancée. La mascotte est modernisée. Un nouvel outil fait son apparition: le calendrier prévisionnel. Il indique avec un code couleur les risques de bouchons: vert tout roule, orange le trafic est dense, rouge c’ est saturé et noir tout est bloqué. Bison Futé renoue avec le succès et en 1990, 81 % des conducteurs indiquent suivre ses recommandations. Réussite marketing, le cas Bison Futé est enseigné dans toutes les écoles de commerce. Avec l’ arrivée d’ internet notre Indien poursuit son évolution. Dès 1997, le site web est lancé. Il offre aux automobilistes un accès direct aux prévisions. En parallèle, le service public d’ information routière s’ étoffe avec un contenu spécifique pour les professionnels: transporteurs et médias. En 2005, Bison Futé met en ligne une carte en temps réel de l’ état du trafic qui permet de visualiser les conditions de circulation sur le réseau principal en direct grâce à un dispositif alimenté par des capteurs: « Traficolor ». En 2013, le site est rénové avec une nouvelle cartographie des événements routiers et une version mobile est développée. Par la suite, l’ information du traficolor est étendue aux principales agglomérations françaises. Enfin en 2016, la chaîne de remontée d’ information depuis les données de terrain est dématérialisée. La modernisation du service d’ information routière a ainsi conduit le 1 er mai 2016 au déménagement des personnels qualifiés en expertise trafics de Bison Futé du Cnir vers la Défense et des CRICR vers les directions interdépartementales des routes( DIR). Le sioux préféré des Français se glisse enfin dans la poche des automobilistes: une appli pour smartphone est lancée dont l’ objectif est de rendre plus accessibles les conseils de l’ Indien malin.