L'aut'journal no 321 - Juillet - Août 2013 | Page 2
juillet-août 2013 no 321 l’aut’journal • 2
Point de mire
LAUT’JOURNAL
Juillet-Août 2013 • avec une apostrophe pour apostropher
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La chronique
La page à Lauzon
Le « gouverner » de la gouvernance
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4270, boul. Saint-Laurent, bureau 204, Montréal (Québec) H2W 1Z4 Téléphone : (514) 843-5236 Internet : [email protected] Envoi de publication canadienne Numéro de convention : 40050148 Tirage : 20 000 exemplaires 2013, Dépôt légal Bibliothèque nationale ISSN : 0833-8965 Imprimé par les travailleuses et travailleurs syndiqués de l’Imprimerie Payette & Simms
Michel Rioux
1
Léo-Paul Lauzon
L’autre regard
L’action syndicale
Louise Mailloux
3
Maude Messier
7
La langue
L’éditorial
Charles Castonguay
4
Pierre Dubuc
9
L’économie de l’énergie
Gabriel Ste-Marie
15
L’apostrophe
Jean-Claude Germain
18
ontrairement aux termes « démocratie » ou « politique » qu’elle tend à occulter, « gouvernance » ne définit rien nettement ni rigoureusement. La plasticité extrême du mot déjoue le sens, et cela semble même être son but. On fait comme si on se comprenait au carrefour de sa vanité sémantique. On s’en persuade. À cause de son flou, l’expression donne peu de prise à la discussion, voire à la dispute, tout en délivrant un message capital : elle est une politique « sans gouvernement », mondialement promue, que poursuivent sur un mode gestionnaire ou commercial des membres sociaux isolés représentants d’intérêts divers. Des bailleurs de fonds intéressés n’ont pas eu de peine à trouver au sein de la population, rebaptisée « société civile », des universitaires, journalistes et responsables d’organisations prompts à diffuser la Bonne Nouvelle. Confisquer ainsi les termes traditionnels de la pensée politique au profit d’un
C
Bonne Fête nationale !
nouveau lexique s’appelle peut-être une révolution. Notre actualité en résulte, mais sur un mode indiscernable. Car au nom de la gouvernance, il ne s’agit plus d’ériger le mythe d’un nouveau contrat social, mais de prétendre qu’une fois ce contrat déchiré s’ouvrirait l’ère heureuse de la contractualisation plurielle et de la délibération perpétuelle. Jusqu’alors, la gestion gouvernementale avait toujours été entendue comme une pratique au service d’une politique publiquement débattue. Mais puisque cette politique s’est laissée renverser par cette pratique au point de s’effacer à son profit, il convient de dire de la gouvernance qu’elle prétend à un art de la gestion pour elle-même. Aucun registre discursif ne semble à même de la dominer. Une telle mutation promeut le management d’entreprise et la théorie des organisations au rang de la pensée politique. Que de simplifications de ce fait ! (…) Ramenée à un présent perpétuellement conjugué, la gouvernance ne désigne même plus l’acte de gouverner, mais le « gouverner » comme état. L’expérience en ressort vidée de toute signification, comme si on disait soudainement « la marchance » plutôt que « la promenade ». De ce fait, même typographiée en lettres capitales, la GOUVERNANCE ne fait trembler personne et ne produit aucun effet. Rien, en tous les cas, des passions et idées qu’ont historiquement suscitées La République, Le Léviathan ou Le Capital. ALAIN DENEAULT […]
Gouvernance
Le management totalitaire Alain Deneault Lux, 2013