L'aut'journal no 321 - Juillet - Août 2013 | Page 11
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est l’ar t de rendre possible essaire – Cardinal de Richelieu
de de chapelles et Québec solidaire n’en tirerait pas profit, parce que la question nationale n’est pas l’axe principal de son action. Que nombre de militants indépendantistes, déçus du Parti Québécois, préfèrent aujourd’hui rallier les rangs d’Option Nationale plutôt que QS en est la preuve. La droite, à l’offensive Au cœur de l’analyse mise de l’avant par Amir Khadir, il y a une appréciation « euphorique » de la conjoncture politique nationale et internationale. Dans sa Lettre ouverte, il s’extasie devant « l’extraordinaire effervescence du printemps québécois » et « le soulèvement citoyen contre l’exploitation du gaz de schiste ». Il aurait pu ajouter les événements du « printemps arabe ». Nous saluons, nous aussi, ces magnifiques soulèvements populaires. Mais leur transposition sur le terrain politique est une autre affaire. Une vieille maxime de la gauche affirme que « sans théorie révolutionnaire, il n’y a pas de mouvement révolutionnaire ». Aujourd’hui, une telle théorie fait défaut à la gauche. Nous ne sommes pas dans une situation comparable à celle qui prévalait, par exemple, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que des situations révolutionnaires existaient dans certains pays avancés et dans plusieurs pays coloniaux, avec la présence de partis politiques socialistes ou communistes prêts à assurer la direction de ces mouvements. Au contraire, force est de constater que la roue de l’Histoire s’est mise à tourner à l’envers. La débâcle du camp socialiste a emporté dans ses eaux glacées une bonne partie de l’héritage du mouvement ouvrier et du mouvement d’émancipation des peuples opprimés. Dans plusieurs régions du mond e, l’islamisme, une idéologie féodale, a remplacé le socialisme démocratique comme force d’opposition à l’impérialisme. Faute de théorie révolutionnaire, les forces progressistes sont partout, à travers le monde, sur la défensive. À moins de considérer l’Islam radical comme la « théorie révolutionnaire » du XXIe siècle ! En fait, dans plusieurs pays, des
groupes du courant altermondialiste flirtent avec cette idée et acceptent d’être les « compagnons de route » et les « idiots utiles » de la mouvance islamiste. Québec solidaire n’y échappe pas, comme en témoigne sa défense du voile islamique, tout en affirmant, bien entendu, vouloir lutter contre le patriarcat !!! Cherchez l’erreur ! En Amérique du Nord, des mobilisations démocratiques, aussi importantes que le mouvement étudiant du « printemps érable », ne peuvent faire oublier que la classe dirigeante est à l’offensive contre le mouvement syndical et le mouvement populaire. Aux États-Unis, plusieurs États (Wisconsin, Michigan, etc.), qui étaient des bastions du syndicalisme, sont passés dans le camp des « Right to Work States ». Au Canada, le gouvernement Harper a adopté la loi sur la « transparence syndicale » et menace d’enlever la formule Rand aux travailleurs régis par le Code du travail fédéral. Une « analyse de classes » sommaire Quand Amir Khadir invite les indépendantistes à adopter une stratégie « classe contre classe » – car c’est bien de cela qu’il s’agit – il s’appuie sur une « analyse de classes » extrêmement sommaire et qui a la particularité d’évacuer la question nationale. Il range rapidement et définitivement « l’essentiel des forces organisées du secteur privé québécois » dans le camp fédéraliste. Il est vrai, comme il l’affirme, qu’au cours des 15 dernières années, une bonne partie de l’élite financière québécoise s’est intégrée, jusqu’à un certain point, à celles de Bay Street et Wall Street. L’exemple le plus probant est certainement la participation des plus beaux fleurons du monde financier québécois – la Caisse de dépôt et placement, la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins et le Fonds de Solidarité – avec leurs associés anglophones – la Banque CIBC, la Banque Toronto-Dominion et la Banque Scotia – à la prise de contrôle du Groupe TMX, qui gère les bourses de Toronto et de Montréal, au sein du bien nommé
groupe Maple, formé pour l’occasion. Il est évident que nous assistons, depuis le référendum de 1995, à une action concertée des forces fédéralistes pour détruire le Québec Inc., que ce soit par son intégration au capital financier canadien, comme dans l’exemple précédent, ou par des nominations à des postes-clefs, comme celle de Michael Sabia à la Caisse de dépôt, ou encore en sapant carrément les bases financières des institutions québécoises, comme l’abolition récente, par le gouvernement Harper, du crédit d’impôt fédéral au Fonds de solidarité. La soumission du capital francophone au capital anglophone au Canada n’est pas un phénomène nouveau. En fait, tout le système bancaire canadien a été construit historiquement avec la perspective de tenir à l’écart les francophones. C’est ce que vient de nous rappeler le chercheur américain Charles W. Calomiris dans sa présentation devant la Réserve fédérale d’Atlanta, le 9 avril 2013, dans une étude comparative du développement historique des systèmes bancaires américain et canadien. Dans son texte, intitulé The Political Foundations of Scarce and Unstable Credit, le professeur de la Columbia University démontre comment les principaux pouvoirs économiques, dont le contrôle du système bancaire, ont été confiés, au Canada, contrairement aux États-Unis, au gouvernement central, dans le but explicite d’empêcher la majorité francophone de les détenir. Le chercheur s’émerveille devant les moyens déployés par la Couronne britannique et l’élite anglophone du Canada pour parvenir à leurs fins : l’égalité du Bas-Canada et du Haut-Canada dans l’Acte d’Union, alors que les francophones sont majoritaires ; la marginalisation du Québec dans la Confédération avec la création de provinces à la population quasi-inexistantes ; le droit de désaveu ; un Sénat non-électif contrôlé par l’oligarchie, etc (voir pages 16-17). La marginalisation du Québec Cependant, malgré les verrous, les cadenas, les blocages, la société québé-
coise s’est tout de même développée et l’indépendance nationale est apparue aux yeux de plusieurs, y compris d’acteurs économiques, comme une nécessité pour assurer son plein développement. Aujourd’hui, étant donné la marginalisation croissante du Québec au sein du Canada, par suite de la chute de son poids démographique et du déplacement vers l’Ouest de l’axe économique du pays, les décisions du gouvernement fédéral auront nécessairement de plus en plus de conséquences négatives pour l’économie du Québec. Déjà, nous pouvons citer les milliards de dollars accordés à l’industrie automobile de l’Ontario, comparativement aux quelques centaines de millions à l’industrie forestière québécoise, ou encore la politique de la Banque centrale du Canada en faveur d’un dollar fort, au détriment de l’industrie manufacturière québécoise. Nous verrons le sort qui sera réservé aux intérêts du Québec dans l’accord de libre-échange avec l’Europe, ou dans l’accord de libre-échange TransPacifique où le Canada a accepté de mettre sur la table la gestion de l’offre en agriculture, qui constitue le socle sur lequel repose l’agriculture québécoise. Dans cette perspective, décréter, comme le fait Amir Khadir, qu’il n’y a « aucune convergence possible entre l’élite économique et le projet indépendantiste » est bien présomptueux. Le cas PKP Déjà, l’adhésion de Pierre-Karl Péladeau au camp souverainiste, s’il se confirme, invalide la conclusion du député de Mercier. Khadir peut bien décréter que celui-ci « représente une fraction très minoritaire du milieu patronal québécois », il ne convaincra que lui-même que le ralliement du propriétaire d’un des deux plus grands groupes de presse du Québec est insignifiant. Nous partageons l’opinion des militants souverainistes qui disent « Vaut mieux l’avoir avec nous que contre nous », mais non l’enthousiasme débridé de ceux qui seraient prêts à lui confier les rênes du