La Plume du Résistant N°06 | Page 5

C’est pour toutes ses raisons que l’Afrique est comme ce bateau perdu en mer par faute de boussole, la terre mère a vraiment « perdue le nord ». Ne nous posons donc pas la question de savoir pourquoi nous n’avançons pas. Comme dit le philosophe Antonio Gramsci « celui qui ne sait pas d‘où il vient, ne peut savoir où il va ». Je pense que l’Homme “noir” doit pouvoir s’accepter et se faire accepter tel qu’il est. Ce sera pour lui une manière de s’imposer dans le monde et cela lui permettra de s’identifier dans le temps, d’apprendre son histoire, de s’aimer et surtout d’être fière de lui-même.

C’est pourquoi, nous devons impérativement arrêter de répudier nos valeurs authentiques, qui depuis longtemps favorisent l’économie de l’occident. Retourner aux sources devrait nous permettre de proposer des offres économiques via ces valeurs. Prenons le cas de ce masque fang issu du « Bieri » qui depuis près d’un siècle est exposé dans un musée en France, et depuis près d’un siècle génère des sous à la France. N’aurait-il pas été mieux de l’exposer au Gabon afin que celui-ci profite à son pays ?

En revanche, retourner aux sources ne doit pas favoriser un certain communautarisme ou une vie en autarcie. Car, l’Afrique ne saurait se développer sans s’ouvrir à la mondialisation, elle a besoin de s’affirmer en tant que continent, en tant que nations, en tant que peuple auprès du monde afin que celui-ci lui rende le respect qu’elle mérite en la considérant à sa juste valeur et de manière égale. C’est notamment le cas de la musique nigériane et l’Afro Trap qui aujourd’hui ont su s’exporter en Amérique, et Europe. On peut également citer la tendance du Dashiki ou pagne africain repris par de nombreux directeurs artistiques comme Ricardo Tisci pour Givenchy qui propulse Erykha Badu en tant qu’égérie, avec des accessoires inspirés du Kenya. Ou encore, Gucci dont les mannequins défilent en pagnes. Le continent doit donc imposer son originalité culturelle et non pas copier la culture du colon parce que la copie ne sera jamais mieux que l’original.

De plus, Il est important de préciser que ce retour n’est nullement un retour à l’état primitif. À l’heure de la mondialisation, ou les sociétés et les institutions sont en constantes évolutions. Il s’agit là, de concilier les mots « retour » et « avancée » pour créer le renouveau tant prôné par certains. Pour cela il faut tenir compte du choc des civilisations, du chauvinisme, de la modernité car si on veut faire du « neuf avec du vieux », il faut avant tout s’assurer d’avoir bien assimilé et organisé le « retour aux sources » dans le contexte socioculturel africain qui peut être handicapant et peut nous éloigner voire diluer de l’universalisation dont il est question.

J'ai toujours défini la tradition africaine comme étant le temple de la conscience où siègent les bases et l'essence même de l'homme africain. Si on se fie à la pensée de Nietzsche qui dit que le degré de conscience d'un individu varie en fonction de son environnement, chaque environnement est caractérisé par son histoire, sa géographie, ses codes, son peuple, sa religion, etc ; nous ne pouvons donc pas réfuter l’idée même que notre mode de vie résulte de nos traditions et constituent la substance même de notre être. Pourtant, le retour aux sources fait souvent l'objet de critiques essentiellement par ceux qui n’y adhèrent pas. Par ailleurs, ce retour reste toujours prôné par bon nombre d’africains, on peut même voir la montée fulgurante des mouvements qui le valorise tels que : le Panafricanisme*, le Nappy*, le Kémitisme*, donc quelque part il offre des avantages. Mais au détriment de quels handicaps? En fait, qu’est ce que cela nous apporte ?

Le retour aux sources est le moyen de retrouver son identité culturelle en désavantageant les cultures étrangères importées par les colons. En effet, l’une des premières libertés d’un peuple est de pouvoir conserver sa tradition comme étant sa mémoire collective. Ce qui n’est malheureusement pas le cas partout en Afrique et qui revient à dire que le peuple africain n’est pas libre comme on veut nous le faire croire. Le retour aux sources peut être perçu comme quelque chose qui empêche un moment donné la société d’évoluer. Mais dans le même temps, le fait qu’il puisse se mettre en place et être suivi par les hommes est en soi une progression. Si le retour aux sources présente des handicaps, le rejeter pour cela serait une erreur car cela nous priverait d’apprécier ses avantages incontestables.

L’un des points importants de ce retour aux sources c’est le changement des mentalités. Dans plusieurs pays africains, la tendance chez les femmes est au blanchiment de la peau, à l’utilisation des tissages et des lentilles de contact pour ne citer que cela. Autant de caractéristiques qui renvoient à la femme européenne. Pour beaucoup de “noirs”, le " blanc" est plus beau, plus riche, plus intelligent, en bref tout ce qui émane de lui est meilleur parce qu’on a toujours tendance à regarder le monde sous le prisme des standards occidentaux, au point de se sous estimer. Ainsi, la femme africaine n’est plus que l’ombre d’elle-même et devant le miroir n’est que le reflet de la femme caucasienne, donc quasi inexistante aux yeux du monde.

LPDR N°6 Le retour aux sources CULTURE

Samedi 08 avril 2017 5

Abandonner les cultures importées ne revient pas à les ignorer ou les combattre. Il s’agit simplement de faire passer notre civilisation en premier plan pour une liberté non pas utopique mais avérée. Car le véritable combat c’est de briser ces chaînes aliénantes qui nous empêchent d’évoluer et d’être compétitif à l’internationale. Rejeter sa culture, c’est se rejeter soi même. En somme, homme sans culture, sans racine, est semblable à un mort vivant.

Panafricanisme : Mouvement qui cherche à unifier culturellement et politiquement les peuples africains". (Source: linternaute)

Nappy : Le mouvement nappy est la dénomination francophone du natural hair movement né aux États-Unis dans les années 2000. Ce mouvement désigne des femmes noires souhaitant conserver leurs cheveux crépus. (Source : Wikipédia)

Kémitisme : Le kémitisme ou encore khémitisme est un ensemble de croyances et de pratiques qui trouvent leur origines aux États-Unis dans les années 1970 et qui s'inspirent librement de la religion de l'Égypte ancienne. (Source : Wikipédia)