La Gazelle | Page 61

culture I culture I “ ‫ثقــافـة‬ actu news Nouvelles bambochades tunisiennes, par Sicca Venier Le nœud gordien Mon arrière-grand-mère avait, toute seule, été contrainte d’émigrer hors de sa Calabre natale : on ne sait trop si son mari, ayant eu des démêlés avec la justice, avait pris le maquis ou bien s’il purgeait sa peine en prison - cela resta un de ces secrets de famille, que les tabous de ce temps-là rendaient inviolables. Il en fallait beaucoup plus pour démolir le moral de cette femme, rompue à toute sortes d’épreuves dont elle venait à bout par sa résignation, son opiniâtreté et l’optimisme foncier de ces êtres frustrés et si “nature” (dans le bon sens du terme). Aussi, pour subvenir aux besoins de ses deux enfants en bas âge, était-elle devenue, par la force des choses, cantinière chez les Zouaves de l’armée d’Afrique, elle, qui n’avait été qu’une péquenaude. Ma grand-mère - sa fille, âgée de quelques mois - était alors dans les langes, quand sa mère la trimballait derrière les charrois qui avaient franchi la frontière algéro- tunisienne : cette authentique “anabase” marquait le début de l’occupation française laquelle allait aboutir au Protectorat dont la durée (1881-1956) ne devait pas excéder un siècle. Bref, quittons l’histoire avec un H majuscule, pour revenir à cette valeureuse femme qui, dès son arrivée au Kef, jugea bon de s’installer dans ce gros bourg, quasi frontalier, troquant ainsi sa cantine ambulante contre un troquet qui allait enfin la sédentariser, d’autant que son fils aîné, robuste adolescent, était désormais capable de la seconder dans son travail, comportant des risques certains. Nécessité faisant loi, elle avait à faire bouillir la marmite ; donc pas question de barguigner ou d’aller chercher ailleurs une trop hasardeuse aventure. 2 3 Rien de plus normal qu’on casernât une forte garnison de Zouaves dans la Kasbah keffo