La-gazelle 92 | Page 51

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“ Perfect Days ”, réflexion émouvante et poétique sur la recherche de la beauté dans le quotidien
“ Perfect Days ”, le dernier-né de Wim Wenders , nous plonge dans l ’ existence quotidienne , presque monacale , d ’ un homme solitaire chargé du nettoyage des toilettes publiques à Tokyo . Le film débute par une demi-heure muette , une immersion dans le quotidien qui pourrait sembler banale , mais qui , sous l ’ œil de Wenders , se transforme en une ode poétique à la simplicité de la vie . Ce nettoyeur , incarné avec une profonde humanité par Kôji Yakusho , nous est présenté comme un héros atypique dont la routine , loin de nous ennuyer , éveille une curiosité presque voyeuriste .

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’ emblée , Wim Wenders nous invite dans l ’ univers de Hirayama , dont le réveil est orchestré par le ballet discret d ’ un balai sur l ’ asphalte . Ce doux frottement matinal annonce la journée avec une humilité poétique . Hirayama , dans sa chambre dépouillée , déploie son futon avec la rigueur d ’ un moine , se brosse les dents et se prépare pour sa journée . Avec une précision chirurgicale , il taille sa moustache , hydrate ses plantes vertes comme on bénit un champ sacré , et embrasse les cieux d ’ un sourire avant de descendre chercher son breuvage matinal à un distributeur qui semble l ’ attendre . Puis , il embarque dans sa fourgonnette , et , après un moment de réflexion méditative , libère Lou Reed ou un autre prophète du rock des années 70 de leur prison magnétique .
Mais l ’ ordinaire de Hirayama est une toile où se peint le sublime . Son déjeuner , un sandwich ingurgité avec une brique de lait , se transforme en un acte de contemplation devant le « Komorebi », cette lumière qui danse à travers les feuilles , proposant un titre alternatif pour le film , éclipsé par l ’ ombre de Lou Reed . Photographe amateur , Hirayama capture ces interstices de lumière sur pellicule argentique , un hobby qui accompagne sa nostalgie sonore . Dans le sanctuaire de son laboratoire , il développe ses photographies et les archive religieusement , chaque image soigneusement préservée comme un fragment de temps cristallisé . Chaque action d ’ Hirayama est infusée d ’ une minutie qui semble être un pilier de la culture japonaise , une culture que Wenders embrasse avec une profondeur et une tendresse qui transparaissent dans chaque plan de ce film où le quotidien devient une épopée de l ’ ordinaire . Wenders , qui a su captiver les
1 cinéphiles avec des films tels que Les Ailes du Désir et L ’ Ami Américain , revient à ses premières amours en mettant l ’ accent sur la contemplation . Loin de se perdre dans le passé , il adapte ses thématiques à l ’ ère moderne sans pour autant céder aux sirènes du spectaculaire . Ainsi , il transforme le nettoyage de toilettes publiques high-tech en une réflexion sur la présence et l ’ absence , rappelant les célèbres « pillow shots » d ’ Ozu .
Le film est un tissu d ’ émotions subtiles , porté par l ’ interprétation solaire de Kôji Yakusho , dont le visage seul transmet des univers de sentiments . Sa performance , récompensée à Cannes , est un pivot autour duquel le film articule délicatement ses thèmes .
La narration de “ Perfect Days ” est une invitation à redécouvrir les plaisirs simples , à une époque où la vie semble souvent se résumer à des objectifs matérialistes . Ce film est une réflexion sur le bonheur , une célébration de la capacité humaine à trouver de la joie dans l ’ ordinaire . Il rappelle que , même dans les tâches les plus humbles , il existe une noblesse que seul l ’ œil patient et empathique peut percevoir . I
1- Affiche du film Perfect days de Win Wenders © Goethe-Institut Tunis I 2 . Koji Yakusho et Arisa Nakano dans Perfect Days de Wim Wenders I © MASTER MIND - WENDERS IMAGES / Collection ChristopheL via AFP I
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