Journal #347 | Page 11

[ réussite ] compagnons 11 dans la journée . Elle me posait beaucoup de questions et m ’ a toujours soutenu , s ’ adaptant aux chamboulements occasionnés .
J ’ avais deux parrains , l ’ un pour la Réception et l ’ autre pour le travail , choix fait pour remercier des Compagnons importants dans mon parcours compagnonnique . Ainsi , la réalisation de ma pièce a été supervisée par le Compagnon Roinard , Manceau la Fidélité . Le formage de la tôlerie m ’ a poussé dans mes retranchements : au lieu des 16 heures prévues , j ’ ai mis trois fois plus de temps ! À 40 ans , on admet ses erreurs pour avancer : j ’ ai demandé des conseils à des Compagnons pour débloquer la situation . À l ’ inverse , le châssis , domaine où j ’ étais expérimenté , a été très facile à fabriquer , prenant deux fois moins de temps que prévu .
Les finitions m ’ ont aussi donné du fil à retordre : les anciens m ’ ont demandé de les reprendre plusieurs fois . Bien que cela me rebutait , je me suis donné les moyens d ’ approcher la perfection . Je suis bon dans certains domaines de mon métier , mais moins dans d ’ autres . Le Compagnon itinérant de la maison étant très bon en tôlerie et en finitions , je n ’ ai pas hésité à le solliciter . Il faut avoir l ’ humilité de se tourner vers les plus jeunes . J ’ ai accepté certaines critiques facilement car elles étaient justifiées , mais quand mes choix me paraissaient légitimes , je ne lâchais pas .
Le jour de la correction de toute la partie en chaudronnerie , j ’ ai vécu une première libération . Cependant , il me restait à effectuer quelques petites corrections ainsi que toute la partie orthopédique . Ce n ’ est qu ’ en octobre 2024 que j ’ ai pu m ’ occuper du garnissage du fauteuil . J ’ ai vraiment pris grand plaisir à cette dernière phase de travail effectuée dans l ’ atelier de l ’ entreprise de mon père , où je connaissais tout le monde . J ’ arrivais enfin au terme de ce projet de longue haleine , dont j ’ avais craint de ne jamais voir la fin .
Pendant ces deux années de préparation de mon travail de Réception , je l ’ ai toujours eu en tête . J ’ ai dû parfois mettre de côté son avancement en raison d ’ autres
15 juin 2024 - Toulousain , ses frères de Réception et les Anciens photo à l ’ issue de la Réception .
APRÈS AVOIR ÉTÉ MAÎTRE DE MÉTIER PENDANT TROIS ANS , PUIS FORMATEUR - MÉTIER QUI ME PASSIONNE - , J ’ AVAIS PROUVÉ MA MOTIVATION À TRANSMETTRE AUX JEUNES .
obligations . Malgré certaines étapes effectuées dans l ’ urgence , je me suis tenu au planning établi . À aucun moment , je ne me suis senti démobilisé , grâce à l ’ accompagnement des anciens qui m ’ ont laissé beaucoup d ’ autonomie . Moi-même , en tant que maître de stage , je laisse les itinérants avancer librement , je leur fais confiance . Après avoir été maître de métier pendant trois ans , puis formateur - métier qui me passionne - , j ’ avais prouvé ma motivation à transmettre aux jeunes .
UNE JOURNÉE INOUBLIABLE Ma cérémonie de Réception eu lieu le 15 juin 2024 , mon parrain étant le Compagnon Wilnick Piriou , Haïtien le Noble Cœur . À 40 ans , ayant déjà parcouru un bout de chemin , ma maturité me rendait beaucoup moins fébrile que les autres postulants . Quelle que soit la manière dont le rituel se déroulerait , je savais que cela serait l ’ une des plus belles journées de ma vie . J ’ ai vécu un moment très fort grâce à la fraternité extraordinaire qui régnait et j ’ ai fait un grand bond dans ma compréhension du compagnonnage , dont j ’ ai réalisé pleinement l ’ apport moral . Cinq de mes apprenants sont devenus mes frères de Réception . Après une année en tant que sachant , je me suis retrouvé sur un pied d ’ égalité avec eux lors de la cérémonie de Réception .
Le grand enseignement que j ’ ai retiré de mon travail de Réception est l ’ importance de l ’ organisation . Si les Compagnons nous « cassent les pieds » à ce sujet , ce n ’ est pas pour rien . De l ’ exigence du travail de Réception découle un grand sentiment d ’ accomplissement , rare dans une vie . Toutes nos vertus – générosité , discipline , patience ... – sont sollicitées à un moment ou à un autre pendant la réalisation de notre travail . Depuis ma Réception , je n ’ ai pas foncièrement changé en tant qu ’ homme , mais être Compagnon me permet d ’ avancer sur le parcours que j ’ ai choisi . Je suis le premier à pousser les Aspirants à ne pas se contenter de ce statut . Le compagnonnage , c ’ est faire le Tour de France et aller au bout . Je mesure la chance extraordinaire d ’ avoir pu revenir .
Pour moi , il faut autant que possible recevoir les Aspirants sédentaires désireux de franchir le pas . Accueillir des Aspirants sédentaires sans leur offrir la possibilité d ’ être reçus n ’ a pas de sens : être Aspirant n ’ est pas une finalité . Ceux-ci doivent démontrer leur désir de contribuer à l ’ essor du compagnonnage . Si un Aspirant sédentaire est un bénévole solide , qui accompagne la jeunesse et fait rayonner son métier , pourquoi lui refuser la Réception .
Propos recueillis par Marie-Laure Gendron
# 347 / Janvier 2025