À cette époque , Trane aimait poser des putains de questions sur ce qu ’ il devait ou ne devait pas jouer . Et merde ! Pour moi , c ’ était un musicien professionnel , et j ’ ai toujours exigé de mes musiciens qu ’ ils trouvent euxmêmes leur place dans la musique . Mon silence et mes airs méchants l ’ avaient déstabilisé .
On reconnaît ici la maïeutique de Miles : mettre la pression , piquer au vif , suggérer ou mettre au défi par la métaphore ou l ’ énigme , créer des situations stimulantes ou déstabilisantes . Et Coltrane travaille , et travaille encore : « Je ne pouvais plus me satisfaire de ce que je faisais . Le niveau était si élevé , et je sentais que je n ’ y contribuais pas comme j ’ aurais dû . » Le saxophoniste Bill Perkins se souvient de l ’ avoir entendu au Jazz City d ’ Hollywood en janvier 1956 :
C ’ était comme s ’ il luttait . Ses phrases étaient courtes et hachées , là où Miles était mélodiquement moelleux et fluide . Il était comme un moteur qui hoquetait . Mais il en tirait des choses absolument remarquables . En parlant avec lui dans l ’ arrière-salle du club ce soir-là , j ’ ai été impressionné par son côté gentleman et combien il s ’ était montré de bon conseil au sujet des anches et des becs . Il étudiait le livre de Nicolas Slonimsky , un catalogue systématique de gammes et de formules mélodiques . J ’ y ai jeté un coup d ’ œil mais ça ne signifiait rien pour moi . Ce ne sont à mes yeux qu ’ austère mathématique . Mais John y trouvait son compte et en retirait des gammes qui lui plaisaient . Il étudiait beaucoup . C ’ était un homme très sérieux . En 1986 , invité du Tonight Show , Slonimsky a dit que Coltrane l ’ avait rendu célèbre . Partout dans le monde , on achetait son livre parce que Coltrane l ’ avait utilisé .
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