Sarah Bernhardt
Fleur-de-lait La bonne dame de Penhoët
Jean de Saint-Houardon
Parler de la vie de Sarah Bernhardt en quelques pages , quand on ne saurait la résumer dans un solide ouvrage , est en soi une gageure , mais évoquer ses attaches en Bretagne et lever le voile sur quelques points de son histoire à partir d ’ éléments épars , mais éclairants , apparaît compatible avec la taille d ’ un article .
Page de droite Portrait de Sarah Bernhardt ( 1876 ).
( Georges Clairin [ 1843 – 1919 ] - Musée des Beaux-Arts de la
Ville de Paris - CC0 1.0 )
Toutefois , entre sa légende et son histoire entremêlées , il serait vain de vouloir faire la part entre le vrai et le faux , et l ’ exercice a ses limites . Ce qui est certain , c ’ est qu ’ elle émerveilla son public et que l ’ admiration que lui portèrent ses contemporains aura déjà fait d ’ elle un mythe de son vivant . Cette femme fatale au physique androgyne et au regard de jeune louve aura , par ses talents d ’ actrice et par sa voix d ’ or , par sa manière de déclamer les vers et par son côté mystérieux , exercé un pouvoir de séduction inégalable et , selon l ’ expression populaire , « fait tourner les têtes et chavirer les cœurs ». Si elle joua plusieurs dizaines de pièces avec une ardeur sans pareille en donnant à ses personnages une consistance que nulle comédienne n ’ avait jamais atteinte , que ce soit sous les traits de Phèdre ou de l ’ Aiglon , Sarah Bernhardt fut sans conteste l ’ actrice la plus adulée du Tout-Paris de la III e République , une actrice d ’ exception et d ’ une grande perspicacité dont on pourrait dire avec les mots d ’ aujourd ’ hui qu ’ elle fut la première représentante du Star System . Elle sut user de sa notoriété pour l ’ étendre encore davantage grâce à son sens inné de la publicité . Et à l ’ instar des acteurs ou chanteurs en vogue aujourd ’ hui , cette publicité fut entretenue par la presse parfois incitée à la faire par l ’ actrice elle-même , en s ’ intéressant tout particulièrement à sa vie sentimentale très agitée et à sa cour , qui comptait nombre de personnages atypiques , tant hétérosexuels qu ’ homosexuels .
Il ne sera pas question de faire ici l ’ inventaire de ses succès , mais ceux-ci furent tels que pour lui rendre hommage , Louis Collin du Bocage dit Louis Verneuil , un auteur dramatique réputé qui la connaissait intimement pour avoir épousé en 1921 Lysiane Bernhardt , sa petite fille , écrira pour elle une pièce de théâtre , Régine Armand , dans laquelle elle incarne en quelque sorte son propre personnage . Pièce qu ’ elle jouera dans le théâtre qui portait son nom ! C ’ était le 20 avril 1922 , soit onze mois avant qu ’ elle ne meure d ’ une crise d ’ urémie , à 78 ans . Si la pièce , une intrigue étriquée où il est question de femme adultère dans le bon ou le mauvais goût de l ’ époque , est médiocre , elle entr ’ ouvre les rideaux sur des allusions à la vie intime de l ’ actrice , notamment sur l ’ amour qu ’ elle portait à son fils . De ce fils adoré par sa mère , mais de peu d ’ intérêt , nous ne dirons plus loin que quelques mots . En dernier préalable , il serait d ’ abord injuste si l ’ on veut honorer honnêtement sa mémoire , de présenter Sarah Bernhardt comme une femme comblée . Son histoire est certes celle d ’ une passion pour le théâtre où elle s ’ est pleinement réalisée et , accessoirement , celle de son intérêt pour le cinéma muet qui la consacrera comme actrice dans ce nouvel art , mais c ’ est aussi une longue histoire de frustrations affectives et une vie traversée par la maladie . En effet , de santé fragile celle-ci se dégradera au fil des ans , jusqu ’ à l ’ amputation d ’ une de ses jambes , en 1915 .
100 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n ° 99 - novembre 2020