Desmortiers triomphe . Ambitieux et autoritaire , il se fait élire ( non sans réticence ) président du nouveau Syndicat des marais de Donges ( créé le 12 septembre 1836 ) et entend mener à bien la mise en valeur de son exploitation agricole conçue comme une exploitation industrielle modèle . Mais son manque de connaissances pratiques , tant pour la gestion des ouvrages hydrauliques des marais de Brière que pour celle d ’ une exploitation agricole , son incapacité à déléguer et , plus encore , à admettre ses erreurs , conduit , en 1843 , à la crise hydraulique et à la contestation de son autorité par les membres du conseil d ’ administration du Syndicat . Il est finalement destitué par le préfet . Sanction qu ’ il n ’ admet pas et qui le pousse à engager une campagne de dénigrement de l ’ action du Syndicat , ce qui illustre , s ’ il en était besoin , le caractère procédurier du personnage . Il ne perd sa capacité d ’ obstruction que lorsqu ’ est révélé qu ’ il est , depuis peu ( septembre 1843 ), séparé de biens de son épouse , ce qui détruit la position sociale dont il se réclamait , alors que ses mécomptes économiques le conduisent à la ruine . Les quatrième et cinquième phases se déroulent alors que la Compagnie de Bray n ’ a plus de responsabilité sur le terrain , la gestion des ouvrages hydrauliques et du dessèchement étant désormais assurée par le Syndicat des marais de Donges , créé le 27 septembre 1836 , alors que , peu après le 3 octobre 1838 , en Grande Brière Mottière , est créée la Commission syndicale de Grande Brière Mottière . Entre ces nouveaux protagonistes , un face à face s ’ instaure dont les lieux de confrontation sont le bas Brivet , l ’ étier de Méan et le marais de la Boulaie . Si les tensions ne manquent pas , jusqu ’ à la fin du xix e siècle , plus ou moins aisément , des solutions sont trouvées . Il n ’ en est plus de même au début du xx e siècle où la crise hydraulique se généralise , ses effets gagnant la Grande Brière Mottière et , à un degré moindre , les marais du haut Brivet . Chacun des protagonistes ( État , Commission syndicale de Grande Brière Mottière et Syndicat des marais de Donges ) rejette sur l ’ autre la responsabilité des difficultés , ce qui entrave la mise en œuvre de solutions efficaces . En 1912 , le non-dessèchement de la Grande Brière Mottière montre tout à la fois l ’ étendue de la crise et l ’ urgence qu ’ il y a de prendre des mesures efficaces . Sur l ’ étier de Méan , il est alors décidé d ’ en curer le lit , alors qu ’ il est à mis à l ’ étude pour la Grande Brière Mottière , un plan d ’ assainissement et de dessèchement . Mais le déclenchement de la guerre suspend travaux et études . La tension reste forte en particulier sur le marais de la Boulaie dont la cause du mauvais dessèchement est attribuée à l ’ irrigation ( ce qui est une explication des plus réductrices ) pratiquée sur les marais situés à l ’ est du Brivet par le Syndicat des marais de Donges .
Le mécontentement qui en résulte est exploité par la société Solidarité briéronne dont le président , Vallée , est élu maire de Saint-Joachim lors des élections municipales de 1912 , ce qui montre toute la force des tensions . Les solutions proposées ne sont mises en place que dans les années 1936 : construction de l ’ écluse éclusée de Méan , curage ; creusement de grands canaux en Grande Brière Mottière .
Enfin , le texte comporte deux annexes . La première porte sur l ’ origine du paysage rural des îles briéronnes . S ’ établit-il au xviii e siècle comme il a été écrit ? Ou est-il plus ancien ? Les documents explicites manquent , mais ils livrent des indices qui font penser qu ’ un tel paysage , avec sa gagnerie centrale , existe dès la fin du Moyen Âge . Mais à quand remonte-t-il ? Sans doute est-il l ’ adaptation , dans les îles briéronnes , d ’ un paysage rural comprenant des champs ouverts , attesté dans des textes du ix e siècle , mais il est sans nul doute antérieur à cette date . Ce type originel se retrouve aux alentours , et dans d ’ autres régions , avec le paysage rural dit de gagnerie qui a connu entre la fin du Moyen Âge et la fin du xix e siècle , à la différence des îles briéronnes , une transformation paysagère considérable avec la mise en place du bocage . La seconde propose , à des époques différentes , des listes de membres de la Compagnie de Bray .
Alain Gallicé
Sauf indications contraires , les photos qui illustrent cette publication sont de Brice Caharel , que je remercie très vivement pour ces vues de Brière .
octobre 2023 - Hors-série n ° 16 - HISTOIRE & PATRIMOINE — 5