Contexte et chronologie des faits
La courte guerre de 1870 entre la France et la Prusse est peu connue des Français pour avoir précédé deux conflits mondiaux dont l ’ importance fut sans précédent . Elle fut courte . L ’ armée impériale de Napoléon III , mal équipée , mal commandée et insuffisante en effectifs essuie rapidement des défaites en cascades , dont certaines seront particulièrement sévères comme celles de Metz et de Sedan , cette dernière scellant la capitulation , le 1er septembre 1870 . L ’ armée régulière a alors presque complètement disparu . Napoléon III , qui a déclaré inconsidérément la guerre à la Prusse , est déchu par l ’ Assemblée Nationale alors qu ’ il se trouve prisonnier en Allemagne . S ’ ensuivit la proclamation de la République , le 4 septembre 1870 , et la formation d ’ un gouvernement de transition , dit « de Défense Nationale ». Le 4 septembre , la République est proclamée à Paris . Son gouvernement provisoire , composé d ’ une dizaine de députés républicains et présidé par le Général Trochu ( 1 ), se trouve rapidement sous la coupe de Léon Gambetta , âgé de 32 ans , qui s ’ arroge le ministère de l ’ Intérieur , puis celui de la Guerre . Il n ’ accepte pas la défaite et il entend relancer les hostilités . Pour cela , et parce qu ’ il se méfie des officiers généraux , il se garde de nommer un chef d ’ État-major général et laisse à Charles de Freycinet ( 2 ), un ingénieur qui lui est acquis , mais qui ne dispose pas des compétences appropriées , le soin de coordonner les armées . Il en appelle à une reconstitution des troupes et intervient dans la nomination des commandants en chef . Le comte de Kératry , un député breton libéral , opposé à l ’ Empire , le suit . Gambetta le nomme Général et Commandant des gardes nationaux mobilisés en Bretagne . Celui-ci court alors les cinq départements bretons afin de recruter des volontaires et ainsi élargir les effectifs pour participer à cette reconstitution , non sans obtenir rapidement un certain succès . Dès lors , les dizaines de milliers de Bretons appelés ou répondant à son appel seront acheminés jusqu ’ à Conlie , une commune proche du Mans , où un camp de tentes sera monté à la hâte dans des conditions météorologiques qui s ’ avéreront rapidement exécrables avec l ’ arrivée de pluies diluviennes continues et le froid . Le sol fraîchement labouré pour le niveler deviendra très rapidement un champ de boue où les hommes , dont beaucoup n ’ étaient chaussés que de sabots , s ’ enliseront , tomberont malades quand ils n ’ étaient pas déjà touchés par la variole qui sévissait alors en Bretagne .
Ainsi , le camp de Conlie , où ils attendront vainement leurs équipements et leur formation militaire , deviendra-t-il pour nous un sinistre lieu de mémoire . Les armées prussiennes se partageaient alors entre Paris , coupé du reste du pays , puisqu ’ elles en faisaient le siège , et les provinces qu ’ elles gagnaient d ’ Est en Ouest jusqu ’ à joindre la ville d ’ Orléans qu ’ elles occupèrent , repoussant les troupes françaises sur Vendôme . C ’ est ce qui amènera Gambetta à emprunter le 7 octobre un ballon dirigeable pour quitter la capitale et se rendre à Tours où l ’ on se réorganisait ,
Il incombait alors au Général Alfred Chanzy d ’ organiser l ’ action de l ’ Armée de la Loire qui comptait quelques 150 000 hommes . Gambetta arrive à Tours le 9 octobre . Le général de Kératry est nommé à la tête de l ’ Armée de Bretagne le 22 courant pour appuyer celle de la Loire . Parler d ’ Armée à propos de l ’ Armée de Bretagne confinée dans un des onze camps conçus pour recevoir des mobilisés est ici une gageure .
Portrait de Léon Gambetta .
( Portrait peint par Léon Bonnat [ 1833-1922 ], en 1888 - CC0 1.0 ) mars 2021 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n ° 100 — 135