HISTOIRE a PATRIMOINE - n° 100 - mars 2021 | Page 24

Les monuments aux morts 14-18 de Saint-Nazaire

Daniel Sauvaget
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Le monument aux morts de 1924 , sur le front de mer de Saint-Nazaire .
( Archives municipales de Saint-Nazaire )
Le monument inauguré à Saint-Nazaire en 1924 à la mémoire des morts de la guerre 1914-1918 ne survit plus que dans des images anciennes , des cartes postales en particulier , car il a été détruit par les bombardements de la guerre suivante .

Comme toutes les communes de France , Saint-Nazaire avait voulu rendre hommage aux « enfants de la commune », selon l ’ expression consacrée , « morts pour la France ». Une unanimité régnait en ville comme dans le pays tout entier en faveur d ’ une action mémorielle , civique , et a priori laïque . Ce qui n ’ a pas empêché l ’ apparition , comme dans d ’ autres villes , de débats significatifs de l ’ ambiance politique de l ’ époque . Ici , le projet émergea très tôt , avant même la fin de la guerre , sous la pression de notables rejoints au lendemain de la guerre par les anciens combattants , et bien accueillis par l ’ institution municipale . Contrairement aux petites communes , qui souvent se sont contentées d ’ obélisques et de simples mausolées , Saint-Nazaire ne pouvait , de par son statut de grande ville et de sous-préfecture que tenter de se distinguer par une forme de monumentalité , et peut-être aussi par une thématique dite républicaine , point trop guerrière . C ’ est ce que révèlent les débats du Conseil municipal , touché , quoique minoritairement par des tendances pacifistes – tendances qui ne s ’ exprimaient pas alors en tout lieu à propos de l ’ hommage aux morts , bien qu ’ on connaisse ( hors de notre région ) nombre d ’ affirmations directes ou indirectes de ce sentiment dans la statuaire et les inscriptions des monuments .

La genèse du projet
Dès 1917 , la Municipalité reçoit une lettre du sculpteur Georges Bareau , domicilié à Saint-Brévin-les-Pins et à Neuilly-sur-Seine , Nazairien de cœur 1 . Cette lettre se recommande d ’ une réunion tenue le « 19 novembre , par de nombreuses notabilités de Saint-Nazaire à la mairie , en vue de la formation d ’ un comité pour l ’ érection d ’ un monument aux morts qui devrait être élevé
1 - Cf . notre article dans ce numéro sur Georges Bareau , né à Paimbœuf en 1866 et vivant alors à Saint-Brévin à une place d ’ honneur de la ville … » ( Archives municipales – conseil municipal du 30 novembre 1917 ). Les membres de l ’ assemblée communale approuvent le projet , à l ’ unani mité , reconnaissant que « la Ville doit aux Nazairiens morts pour la France un monument qui soit digne de leur héroïsme , digne aussi de notre cité ». Toutefois , la décision concrète nécessitera un certain délai . En 1918 , le Comité du Monument aux Morts pour la Patrie présidé par M . Vivant Lacour , alors maire adjoint et prochain maire ( décembre 1919 ), sollicite une subvention à la Municipalité , sur la base d ’ une délibération du Comité en date du 16 décembre 1918 . Les conditions pour que le monument soit réalisé sont ainsi énumérées : confier l ’ exécution du monument à Georges Bareau , statuaire , qui s ’ est engagé à faire des maquettes pour lesquelles il a touché le 25 octobre une indemnité de 2 000 francs ; le Comité ( qui compte 141 membres ) a les pleins pouvoirs pour estimer si le résultat financier de la souscription , conforté de contributions de la Ville de Saint-Nazaire et de la Chambre de Commerce permet d ’ élever un monument « digne du haut sentiment de patriotique reconnaissance ». Le Comité souhaite que l ’ emplacement retenu soit la Place Marceau , et qu ’ il soit édifié « en l ’ honneur des Enfants de Saint-Nazaire et de l ’ arrondissement morts pour la Patrie ». La référence à l ’ arrondissement , fréquente dans le cas des rares monuments aux morts de 1870 disparaîtra . Le Comité précise toutefois en une simple phrase du même courrier que M . Bareau n ’ a présenté aucun projet à cette date du 16 décembre 1918 … Épisode dont on ne connaît pas les tenants et aboutissants , mais Yves Pilven Le Sevellec a retrouvé une protestation de l ’ artiste qui n ’ avait pas été invité à une réunion importante du Comité d ’ érection 2 .
2 - Le Courrier de Saint-Nazaire du 14 octobre 1922 , citée par Pilven Le Sevellec page 27 de son étude parue dans le n ° 4 de Visions contemporaines , 1990
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