HISTOIRE a PATRIMOINE - n° 100 - mars 2021 | Page 23

Ce Grand élan national largement commenté par les chroniqueurs et les historiens a encouragé une forme de matérialisation du rituel de recueillement : des monuments spécifiques exprimant à la fois cette ferveur patriotique et un culte des morts , un hommage aux combattants et , souvent , une ode à la victoire , parfois une fierté nationale quelque peu revancharde . Ainsi ont surgi sur l ’ ensemble du pays jusqu ’ aux colonies des milliers de monuments qui sont le legs d ’ une époque profondément marquée par la guerre . L ’ administration a commencé dès 1916 à réfléchir à la codification des règles de l ’ hommage réservé aux morts . Au retour de la paix , élus , citoyens , anciens combattants vont militer en faveur de ce type de monument public dont l ’ expansion est soutenue par l ’ État . On sait que des monuments aux morts de la guerre de 1870-1871 avaient déjà été édifiés , tardivement ( à partir de 1895 ) : statues dans les grandes villes , simples plaques de bronze dans quelques petites communes . L ’ épitaphe n ’ invoquait pas que les morts de 1870 , mais ceux d ’ autres guerres , dont les guerres coloniales – comme ce fut le cas à Nantes . Le fameux Soldat de l ’ An II inauguré sur le front de mer de Saint-Nazaire en 1910 est contemporain de ce mouvement dans les villes . Il n ’ avait pas été conçu dans ce but , comme l ’ a rappelé Patrick Pauvert à l ’ occasion de travaux faits en 2010 1 : seul fait avéré , la statue était un don de l ’ État à la Ville , qui a décidé elle-même de son affectation .

Au lendemain de la Grande Guerre , un vaste cycle de commémorations et d ’ hommages aux morts s ’ est imposé sur toute la France , un phénomène unique dans l ’ histoire du pays . Cinq millions de soldats au combat , près d ’ un million et demi morts au front , des centaines de milliers revenus blessés , mutilés .
Une passion française
La situation est très différente après 1918 , et sans commune mesure . La quasi-totalité des communes françaises décide de consacrer un monument spécifique aux soldats morts , y compris en Alsace-Lorraine dont les habitants étaient de nationalité allemande de 1871 à 1918 ( et où les commémoratifs sont sciemment consensuels ). Rares sont les collectivités locales dépourvues d ’ un monument 14-18 ( seulement deux en Loire-Inférieure d ’ après Pilven Le Sevellec ), localités sans aucun mort , associées à un village voisin , et villages définitivement détruits sur le front . Le financement est généralement communal et public ( souscription auprès de la population ), et les municipalités ne sont pas les seules à prendre de telles initiatives . La vague d ’ hommages s ’ étend à des monuments paroissiaux dans les églises sous forme de bas-reliefs , de fresques peintes , de vitraux , parfois de statues .
1 - Presse-Océan , le 4 janvier 2010 ).
Page de gauche Montoir-de-Bretagne
( Photo Daniel Sauvaget ) mars 2021 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n ° 100 — 87