Family Business N°3 Décembre 2024 | Page 17

ILS ONT FAIT L ’ ACTU
DE GAUCHE À DROITE Carlos Laffon-Parias , David Smaga et Sir Michael Stoute . © APRH
Michael » quitte la scène quelques années après « Sir Henry ». ( NDLR : Sir Henry Cecil décédé à 70 ans ) Peu à peu , le temps fait son œuvre et nous renvoie à nos âges propres , nous qui avons suivi au fil des saisons les joies et les peines de ces hommes et ces femmes , leur évolution , partagé leurs victoires et leurs défaites , encouragé leurs chevaux , appris et discuté en conversant avec eux , tenté de monter dans la caravane , manœuvré pour recueillir ce que l ’ on prenait pour le fond de leur pensée et , parfois , réussir à le partager . À force de nous servir de sujet , ils sont un peu devenus des modèles .
Des personnages plus que des palmarès
Âgés de 60 à 79 ans , ces nouveaux retraités vont donc prendre un autre chemin , et nous sommes condamnés à les suivre des yeux sans rien y pouvoir , sans rien à en dire . On pourrait se souvenir de leurs meilleurs chevaux , de leurs plus grandes victoires , mais au bout du compte , les personnages sont plus forts que leur texte : exit un « Smaga » faussement fataliste , un « Laffon-Parias » constamment dans l ’ arène , un « Bary » néo-classique , et un « Stoute » tantôt hilare tantôt terrible . Certes , la fermeture d ’ une grande écurie est un processus pratiquement inexorable , et dès lors prévisible . « Une carrière , comme une vie , c ’ est une courbe », résume Pascal Bary . Il se passe quelque chose d ’ immatériel , d ’ insaisissable qui fait qu ’ un matin , le regard que l ’ on porte sur un nom n ’ est plus le même . Sauf accident de la vie , la carrière d ’ un entraîneur ne s ’ interrompt pas brutalement . C ’ est une patine que l ’ on trouvait précieuse et qui n ’ est soudain que de l ’ usure . Un être aimé que l ’ on aime toujours , mais « autrement ».
Avant même que ne réduise le nombre des champions produits par une écurie , c ’ est l ’ entrée de ces potentiels champions qui s ’ amenuise . Des pedigrees manquent à l ’ appel , des propriétaires , eux-mêmes aux prises avec le sens de leur propre vie , ou passent l ’ arme à gauche sans héritage . La mode , bien sûr . À la montée succède la descente . Les victoires se font plus rares . Puis les partants , et bientôt , on se demande ce qui s ’ est passé . Pour pérenniser leur écurie et faciliter leur départ , des entraîneurs tentent de transmettre le flambeau en s ’ associant à un successeur , parfois un membre de leur famille , comme avant eux les dynasties Head , Cunnington , Adèle , Pelat et j ’ en oublie bien sûr . Cependant , des capricieux berceaux ne naissent pas toujours des héritiers , et il faut se résoudre à trouver l ’ associé , l ’ oiseau rare qui convient , et qu ’ il faudra former . Pas pour aller ailleurs , mais bien pour prendre sa propre place . La clientèle , d ’ ailleurs , n ’ est pas tenue de rester dans ce bateau-là . Les relations entre un entraîneur et un propriétaire confinent à l ’ amitié , voire à l ’ alchimie , lorsque la volonté de l ’ un épouse l ’ ambition de l ’ autre . La recette n ’ est pas sûre , le soufflé toujours miraculeux ! Ainsi , lorsque des entraîneurs de la trempe de ceux qui nous quittent cette année partent , même s ’ ils s ’ en défendent , même s ’ ils font en sorte de ne pas trop faire de bruit , ils laissent derrière eux bien plus que des boxes vides . Une culture part avec eux ; celle dans laquelle nous sommes nés aux courses . Et , lorsque à notre tour , nous tous qui étions là pour y baigner , nous serons partis , qui , cherchera encore « leur poussière et la trace de leurs vertus », comme dit la chanson ? Il restera les paroles mais , sans la musique . Tant pis . Et après tout , vivement demain !
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