Echo de Gier EDG85 final | Page 11

maladies. Donc elles demandent beaucoup plus de travail à l'apiculteur : de traitement, de soins, … Moi j'ai fait le choix de travailler et sélectionner l'abeille sur sa rusticité. D'une part parce que je veux qu'elles me survivent, mais aussi parce qu'elles me demandent moins de travail. Elles produisent moins de miel, certes, mais elles sont plus robustes. Donc quand il y a un coup de froid, par exemple, je ne suis pas dans l'angoisse d'aller nourrir mes colonies parce qu'elles n'ont pas accumulé assez de réserves. Et du coup, tu as moins de pertes ? Carrément ! Pour te donner un ordre d'idée, j'ai récemment reçu un document qui donne les pertes hivernales globales en France. L'année dernière, elles étaient entre 20 et 30%. Moi, mes pertes hivernales depuis que je fais de l'apiculture, elles sont inférieures à 1%. Jusqu'à présent. L'année dernière, j'ai hiverné 126 colonies, et j'en ai perdu une. Et puis, c'est pareil. Au fil du temps et par la sélection, les hommes ont développé une abeille douce. La volonté, c'était d'avoir une abeille qui ne pique jamais. Il m'est arrivé de bosser chez des apiculteurs, pendant deux heures, sans protection, et au final de ne pas avoir été piqué une fois. C'est-à-dire qu'on a réussi à avoir une abeille qui n'est plus du tout agressive. Elles sont comme ça, les tiennes?!! Pas du tout, non (rires). Non, les miennes, elles sont pas particulièrement agressives, parce que c'est pas non plus ce que je cherche particulièrement. Mais par exemple, y a 3 ans, dans l'Hérault, j'avais des grosses attaques de frelons asiatiques. Et j'avais une ruche qui était assez agressive. Je voulais qu'elles apprennent à s'en défendre. Donc un jour, j'ai filé un coup de raquette de badminton à un frelon qui volait devant la ruche, et je l'ai jeté dedans. Du coup, les abeilles elles savent faire, elles se mettent autour, elles font monter la température, et il crève d'hyperthermie. J'ai fait ça plusieurs fois, et par la suite, j'ai observé qu'il y avait des frelons crevés devant la ruche. Elles avaient compris. Donc je pense quand même qu'il faut trouver un juste milieu entre l'abeille super productiviste et très douce, et l'abeille super rustique et agressive. Il faut malgré tout faire du miel, et pouvoir travailler sans non plus te faire attaquer à outrance. Et puis je ne travaille pas d'abeille de race pure, comme beaucoup d'apiculteurs. Moi, c'est de la bâtarde. C'est beaucoup de l'abeille noire, de la locale, qu'on appelle Apis Mellifera Mellifera. C'est l'abeille de France, du pourtour de la Méditerranée. Et ce métissage, il réunit les qualités des différentes races pour créer des individus plus puissants. Mais en fait, c'est ce que l'abeille recherche à la base, puisque la reine, naturellement, va se faire féconder loin de sa ruche. C'est vraiment passionnant ! Ouais, l'apiculture, c'est vraiment un monde à part ! Et puis, ça a comme avantage de pouvoir évoluer progressivement. Dans le monde agricole, pour démarrer, il te faut du foncier (hangar, champs, tracteur, …), et ça chiffre très vite ! À moins d'être en reprise. Là, moi j'ai réussi à avoir une installation très progressive. Mes premières ruches, je les ai fabriquées à partir de l'ancien plancher de mon voisin, et maintenant je les achète. Je suis encore dans une phase d'investissement, et l'objectif c'est de prochainement pouvoir commencer à me payer. Tu penses qu'à un moment tu seras en saturation, du fait de travailler seul ? Eh bien, mon but, c'est pas de devenir très gros. Beaucoup de mes collègues ont cet objectif, même ceux qui sont proches de ma démarche. Pour moi, le problème, c'est que dans ce monde, l'objectif c'est le tonnage : il faut qu'il y ait pleins de tonnes de miel. Et puis après, ils les écoulent en gros ou demi-gros. Moi j'aimerais bien rester dans un modèle où je fais quelque chose de qualité, où mon miel reste très bon à déguster et où j'ai assez peu d'abeilles pour continuer à bien m'en occuper, plutôt que d'en avoir pleins et ne plus savoir ce qu'il y a dans les boites. Donc c'est ça, tu es sur le bout de ton développement ? J'en suis pas loin, oui. Je vais passer à 175 ruches environ, cette année. Le statut agriculteur, c'est 200.J'y serai d'ici quelques années, et très sincèrement, je ne pense pas que j'irai au-delà. 11