essentiels de la lecture conspirationniste appliquée à la Franc-maçonnerie qui est posée – on la stigmatisera par la suite comme « apatride », sans racine, donc sans foi ni loi. Elle est en effet, dès ses origins anglaises et protestantes, coupable d’ un crime d’ indifférenciation. Elle se propose de réunir dans le temple de la fraternité universelle, des hommes de toutes les confessions, des inconnus fêtés comme des frères, des étrangers de toutes les nations, parlant toutes les langues – et donc aucune- … En un mot, le lien maçonnique efface les identités légitimes. Cette thèse est omniprésente dans la lecture catholique du projet maçonnique qu’ expose en France notamment Mgr de Belzunce, l’ évêque de Marseille dans un mandement de 1742: il y condamne ces « assemblées où sont indifféremment reçus gens de toute nation, de toute religion et de tout état ». Elle se retrouve dans toutes les condamnations pontificales à suivre. Elle est aujourd’ hui encore au coeur de la « démonstration » du politiste catholique Pierre Hillard, qui dénonce l’ ordre mondial actuel comme une nouvelle Babel( La Marche irrésistible du nouvel ordre mondial. Destination Babel, 2007) et attaque de manière virulente les francs-maçons( en remontant jusqu’ à Désaguliers et à Anderson). Il n’ hésite d’ ailleurs pas à ranimer les braises toujours chaudes du complot judéo-maçonnique: « j’ ai pu démontrer( sic) le rôle de la franc-maçonnerie juive dans la rédaction des textes en faveur de l’ ethnicisme dans le cadre du Traité de Versailles » et à brandir la menace d’ une Apocalypse imminente: « La Tour de Babel s’ écroulera parce qu’ elle est d’ essence infernale ».
Dans son Essai sur la secte des Illuminés( Paris, 1789), Jean-Pierre-Louis de La Roche du Maine, marquis de Luchet, filait déjà la métaphore électrique, alors à la mode, pour déceler les traces de communications instantanées et donc insaisissables entre les membres d’ un réseau secret, étroitement cloisonné, couvrant toute l’ Europe de ces cellules dormantes et mortifères: « Ces Cercles ont des voyageurs anonymes. Ce sont ordinairement des homes d’ un extérieur simple, espèce de Gens de Lettres affectant la philanthropie. Ils vont épier les secrets des Cours, des Collèges, des Tribunaux, des Chanceliers, des Consistoires, des Familles, & reviennent enrichir les Cercles d’ un amas de délations, de notes sur le caractère des Gens en place, sur les faiblesses des Princes; ils révèlent les occupations & les défauts des Philosophes, qu’ ils appellent les ennemis; les murmures imprudents, mais inévitables, de ceux qui se voient constamment oubliés, les plaisanteries déplacées, sans doute, mais nullement
2