Critica Massonica N. 0 - gen. 2017 | Page 10

commentaire critique, le film a longtemps été reçu dans la mouvance d’ extrême-droite comme un quasi documentaire, « prouvant » la nature mortifère de l’ Ordre maçonnique, au point que la Cinémathèque de Paris hésitait à en prêter des copies même pour des projections universitaires.
Plus récemment encore, en Russie, alors que la Franc-maçonnerie y avait bien entendu cessé toute existence depuis 1917, la dénonciation de la conspiration maçonnique ou judéomaçonnique( qui a supplanté au XIXe siècle la dénonciation du complot associant protestants et francs-maçons) faisait clairement partie du fonds idéologique du leader ultranationaliste Vladimir Jirinovski pour expliquer l’ effondrement de l’ Empire soviétique à partir de 1989-1991. Les Etats-Unis n’ ont pas été davantage épargnés, de l’ affaire Morgan( du nom de William Morgan, cet ancien maçon qui révéla les « secrets » de son Ordre dans un écrit de divulgation avant de disparaître corps et bien en 1826. On attribua son enlèvement et son assassinat aux francs-maçons, et un vaste mouvement anti-maçonnique s’ ensuivit) qui mit durablement en péril les fondements de l’ Ordre au XIXe siècle, jusqu’ à la lecture conspirationniste de la tragédie du 11 septembre qui impliquerait les francs-maçons.
Mais on sait sans doute moins qu’ en Grande-Bretagne même, pourtant terre d’ origine de la Franc-maçonnerie, et malgré sa forte association à l’ Establishment et à la famille royale, l’ Ordre a été également menacé, lorsque la psychose de la conspiration prorévolutionnaire s’ empare d’ une partie de l’ opinion et du Parlement dans les années 1790.
Lorsque John Robison croit pouvoir, dans ses Proofs of a conspiracy, dénombrer huit loges d’« Illuminati » en Grande-Bretagne dans son ouvrage de 1797 et leur collusion avec les « jacobins » et les United Irishmen( républicains irlandais), la situation des Grandes Loges britanniques devient particulièrement délicate. La menace de l’ amalgame plane en permanence, renforcée par les informations parvenues au gouvernement de William Pitt ou au Secret Committee de la Chambre des Communes sur l’ existence d’ un serment de fidélité et de secret prêté par les United Irishmen, la pratique de rituels et de catéchismes dont les emprunts maçonniques, fussent-ils formels, ne sont pas discutables, ainsi que d’ une organisation solidement hiérarchisée et cloisonnée à travers le pays – la réalité est cependant beaucoup plus modeste. La Unlawful Societies Act dont le titre exact est « loi pour la suppression radicale( most effectual suppression) des sociétés établies dans le but de sédition et trahison, et pour une meilleure prévention des pratiques de trahison et de sédition » est alors en préparation. Adoptée en juillet 1799, elle devait rester en vigueur jusqu’ au Criminal Justice Act de … 1967.
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