voyage compagnons 21 de sortir du cadre du Tour de France . Cette aventure symboliserait la transition entre nos vies d ’ itinérants et nos nouvelles missions comprenant davantage de responsabilités .
Au fur et à mesure , à partir de décembre 2022 , nous avons avancé dans nos préparatifs qui étaient cruciaux pour le succès final . N ’ étant pas des marcheurs aguerris , nous avons commencé en marsavril à courir ensemble . Au début , nous nous contentions d ’ une vingtaine de minutes , puis nous avons intensifié nos efforts et la régularité de nos temps d ’ exercice . Cela n ’ était pas facile , car nous étions tous les deux non seulement en formation , mais aussi responsables des jeunes de nos corps de métiers respectifs . Puis , nous avons acheté le matériel nécessaire . Nous étions conscients que ce périple allait nous demander des efforts physiques comme psychiques . Ce projet allait nous permettre de montrer que les gens ne sont pas aussi individualistes qu ’ on le dit , et cela , même en dehors des Compagnons . On peut en trouver partout ayant un esprit d ’ entraide et de fraternité : nous comptions sur eux pour le succès de notre voyage .
Dans quel état d ’ esprit étiez-vous lors de votre départ ? Jules – Une semaine avant de partir pour de bon , je pense que notre certitude à ce propos n ’ était pas maximale . C ’ est en constatant l ’ engouement de notre entourage , qui avait découvert notre projet sur la page Instagram que nous avions créée , que nous nous sommes sentis obligés de partir .
Kevin – Un peu malgré nous , nous nous sommes retrouvés engagés vis-à-vis de tous ces gens à fond derrière nous . Nous n ’ avions plus le choix ! Nous ne voulions pas d ’ un voyage touristique pendant lequel nous aurions pu consommer ce que nous voulions . Nous souhaitions sortir de ce monde de la consommation . Ne pas recourir à des modes de transport faisait aussi partie de notre plan , notamment en réaction à la pollution environnementale . Ces deux semaines de « pèlerinage » ont été comme une contribution de notre part à une lutte contre ces excès . Pourtant , bien des fois nous avons été tentés de prendre le bus ou de taper dans notre budget pour bien manger .
Breton , Tourangeau et sa sœur lors de leur deuxième étape , au départ de Concarneau .
Quelles difficultés avez-vous rencontrées durant votre voyage ? Jules – Le midi , nous devions trouver de la nourriture gratuite . Nous étions obligés de nous ouvrir aux autres pour trouver quelqu ’ un qui nous offre notre repas . Le premier jour , il pleuvait à torrent et une boulangerie nous a donné une simple baguette pour deux : nous nous sommes dit alors que ces deux semaines allaient être dures ! Chez les sédentaires qui nous accueillaient pour la nuit , nous nous confectionnions au matin un sandwich qui nous faisait notre repas de midi .
Kevin – Heureusement , nous avons toujours eu de quoi manger . Nous nous étions aperçus que nous n ’ y arriverions pas sans nous nourrir correctement et faire une pause à ce moment-là . Nous avons ainsi sollicité les boulangeries tous les midis .
Jules – On s ’ est fait envoyer bouler bien sûr ! Mais , dans mon souvenir , on n ’ a pas eu de non catégoriques . À La Baule , une employée de boulangerie ne voulait absolument rien nous offrir . J ’ ai argumenté pour expliquer nos raisons et le patron nous a finalement donné le repas le plus copieux que nous ayons pris au cours de ces deux semaines ! Pareillement , les conducteurs nous déposaient parfois 20 km plus loin que prévu , même loin de leur itinéraire , une fois que nous leur avions exposé nos motivations …
Comment ont réagi les gens à vos cannes et couleurs ? Kevin – Si les gens connaissent le terme Compagnon , ils ne savent pas forcément ce qu ’ il recouvre . On leur racontait alors ce que nous avions vécu sur le Tour de France , en quoi consistent nos métiers . Les gens voulaient alors participer à la réussite de notre projet . Nous expliquions ce que signifient nos symboles , partagions nos connaissances sur le compagnonnage , ainsi que les expériences qu ’ il nous a offert . À chaque fois , les gens étaient enthousiasmés par ce qu ’ on leur apprenait !
Jules – La plupart des gens que nous avons rencontrés connaissaient positivement les Compagnons . Il est vrai que cela nous a aidé . Parfois , les gens nous confondaient avec des pèlerins de Compostelle . Le revers de la pièce selon moi , c ’ est le pouvoir des apparences . Si nous avions porté un jogging , pas sûr qu ’ ils nous auraient pris en stop . Nous parlions de temps en temps de nos métiers respectifs . J ’ expliquais par exemple que la boulangerie ne correspond pas à ce que la télévision en montre .
Avez-vous réussi à vous tenir à l ’ itinéraire initial ? Jules – À Saint-Gilles-Croix-de-Vie ( Vendée ), nous avons mangé chez Angevin Brosset , conseiller au Collège des métiers , avec Quercy Pons , Premier conseiller . Le lendemain , nous avions 150 km à faire pour rallier La Rochelle . Perdus dans une ZA déserte le dimanche matin , une dame nous a alors proposé de nous emmener dans son van . Comme elle allait dans les Pyrénées , elle nous a proposé de nous déposer plus loin que l ’ étape prévue . Nous avons donc fait une petite entorse à nos objectifs initiaux , mais nous avons décidé de voir cela comme une opportunité envoyée par le destin . Cela nous a permis de passer une aprèsmidi à la plage après un bon repas . À michemin , nous avions besoin de lâcher prise et de retrouver de l ’ énergie pour mieux repartir , mais aussi de profiter des coins où nous passions .
Kevin – Nous saturions un peu des jambon-beurre tous les midis et les douleurs physiques commençaient à faire leur apparition ! À La Rochelle ,
# 336 / Janvier 2024