10 compagnons opportunité
UN SAUT DANS L ’ INCONNU L ’ année précédente , j ’ avais travaillé à Lyon chez un ancien très expérimenté , qui m ’ avait enseigné les rudiments des méthodes traditionnelles de notre métier , c ’ est-à-dire purement mécaniques , sans machine numérique ni ordinateur . Au début de mon Tour de France , j ’ ai beaucoup utilisé le numérique et fait de la conception en bureau d ’ études . Or , il me semblait que je devais apprendre à marcher avant de vouloir courir . Connaître les méthodes mécaniques traditionnelles permet de se mettre à la place de celui qui va fabriquer , puis monter une pièce . Chez ce Compagnon , nous réalisions beaucoup de pièces unitaires destinées à l ’ industrie , pour des machines spéciales . Nous touchions aussi au domaine du luxe puisque nous étions sous-traitant pour des entreprises suisses . Fabriquer une pièce unitaire de façon traditionnelle est , dans certains cas , plus rapide . Cette étape m ’ a donné des bases pour faire face à toute la nouveauté de ce travail en Suisse . En effet , dans l ’ atelier de prototypage de De Bethune , nous utilisons principalement des machines traditionnelles . Une seule machine à commande numérique est à disposition pour fabriquer des pièces autrement compliquées à réaliser . Malgré cela , je dois admettre que je suis tout de même parfois en difficulté pour en effectuer certaines . L ’ horlogerie n ’ a rien à voir avec ce que j ’ ai expérimenté à Lyon .
Quand je vois certaines montres réalisées par De Bethune , je suis ému par le niveau d ’ exigence qui vient sublimer leur design absolument magique ! La mécanique vient alors donner vie à une esthétique . Cela dit , j ’ estime que si la mécanique standard n ’ a que rarement un enjeu esthétique , c ’ est à cet aspect de n ’ importe quel ouvrage qu ’ on peut reconnaître un mécanicien de précision passionné : une pièce doit être bien finie et propre , quelle que soit son utilité finale . J ’ ai voulu participer à la formation de l ’ association Mec-Art , qui me semblait être une belle opportunité . Denis Flageollet , en plus d ’ être dirigeant des entreprises De Bethune et Reuge , y intervient en tant que formateur et en est même l ’ un des instigateurs . Elle est dispensée à l ’ Institut de la mécanique d ’ art , installé dans les locaux de Reuge à Sainte- Croix , une ville à la longue tradition liée à la mécanique d ’ art . Ce lieu est un vrai coin de paradis , entouré de forêts , vraiment propice aux apprentissages .
Niçois forgeant sa tige de balancier dans les Forges de Vallorbes .
Un élève travaillant sur l ' aiguille de son horloge sous la supervision d ' une Maître .
LE MAÎTRE MOT : LA MOTIVATION Il n ’ existe aucun prérequis pour suivre la formation , à part une grande motivation : certains apprenants étaient issus du monde de l ’ art , mais il y avait aussi une assistante de direction , une bibliothécaire … Cette variété de profils a rendu notre groupe de 9 stagiaires ( moi compris ) très intéressant . La formation s ’ est révélée très intense : nous avions des enseignements de 8 h à 17 h dans une ambiance détendue , mais studieuse . En matinée , nous profitions de cours théoriques sur la mécanique , le tournage et le fraisage . Si je connaissais bien tout cela , ce n ’ était pas le cas des autres stagiaires . L ’ après-midi , nous nous rendions en atelier pour mettre en pratique ces notions et pour avancer notre projet final . Nous
# 336 / Janvier 2024