CODE South Way #2 | Page 51

Prix Thaddaeus Ropac
avec le Prix Fondation Jean-François & Marie-Laure de Clermont Tonnerre Quin Han & Yuyan Wang collec. Nidgate (5e année) atelier Vilmouth & Tayou
 Alexandre Lenoir (5e année) atelier Boisrond Quin Han & Yuyan Wang collec. Nidgate On pourrait évoquer une galaxie statique à l’observation de cette installation. Il s’agit de « planètes » grises dispersées dans l’espace qui présentent un aspect minéral. Ces boules sont fabriquées avec du papier journal récupéré tous les jours pendant un an. Le papier journal, support d’actualité quotidienne, a été pétri jusqu’à devenir une pâte qui couvre les ballons, modèles enduits de colle. Une fois la forme sphérique obtenue, les globes sèchent et durcissent en quelques jours voire en un mois. Les informations des journaux, revues et autres périodiques se transforment en un univers de quarante-huit ballons, de trois tailles différentes, qui correspondent à une journée, une semaine et un mois du processus de travail. Au cours de ce processus, les couleurs sont réduites en une monochromie grise et abstraite. S’accumulent de la sorte les publicités, les articles, les événements, les images de toutes les couleurs, transformés en une forme embryonnaire. Han Qin et Wang Yuyan affirment discrètement un commencement, autrement dit un balbutiement. Ainsi, elles retracent d’une certaine manière l’origine de notre monde. Installées dans une caverne souterraine, ces planètes se sont pourtant composées des mots de notre société de communication, de l’information qui constitue la sève de nos sociétés mondialisées. Est-ce alors une allégorie du binôme du microcosme et du macrocosme, d’un espace qui représente à la fois la « petite parcelle du monde » et « la totalité du monde » comme l’indique Michel Foucault ? Le penseur évoque de cette manière le jardin propre à l’« hétérotopie heureuse », alors que nous nous retrouvons plutôt dans un jardin délaissé, ruiné, un univers désolé qui impose une méditation et qui renvoie à un sentiment de culpabilité ou d’échec. Tout est pétrifié dans cet enclos. La métamorphose des journaux pendant une année en mélasse poisseuse est d’autant plus violente, que Qin Han et Yuyan Wang sont mues par le désir de saisir et de digérer les informations quotidiennes. Mais leur tentative de prendre contact avec le réel et d’accéder à sa connaissance finit dans un silence - un silence finalement presque harmonieux. Les mots mâchés, la signification originelle ne peut plus être retrouvée. En « détruisant » les mots et avec eux le temps passé, les artistes fabriquent des globes de plus en plus solides qui témoignent du temps vécu. Face à l’œuvre achevée, on se rend compte que c’est le temps même qui est présenté, que ce soit une période déterminée ou non. Or il ne s’agit pas seulement de cristalliser le temps perdu. Si le travail lent et progressif peut être considéré comme une méditation pour résister à l’entropie du quotidien, ce geste risque tout de même de réduire encore une fois les messages en un bruit incompréhensible, un bruit qui nous échapperait éventuellement. Le paradoxe de l’incompréhension hante toutes les œuvres présentées lors de leur diplôme en 2016. Dans ce contexte de l’atelier Vilmouth à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, les spectateurs étaient invités, avant de descendre dans la cave, à traverser Nidgâté, My apologies to time for all the world I overlook each second, 2016, Papier journal, dimensions variables.