& LC
—
Lorraine
Châteaux
Par Georgia René-Worms
[36°]
C
O
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A
V
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Le thermomètre affiche 36° cet
après-midi. L’année passée, le travail, les
objets qui le contiennent, ont coupé l’organisme en deux parts: tantôt langoureuse-allongée dans un lit – le dos qui se
scie – ou assise – les jambes qui se perdent.
La toile du fauteuil brûle, mais c’est un certain confort retrouvé. Une toile tendue sur
quatre structures de métal laqué en noir,
le AA, un modèle de fauteuil de la fin des
années 30 ; objet qui a établi le gabarit du
confort de mon corps. Il a en quelque sorte
choisi quel serait mon standard. (...) Et
c’est peut-être cette première mémoire du
corps et de l’objet qui me rend si proche
de Lorraine Châteaux. Un jour, Bruno Munari a fait une très belle pièce, puis un très
beau texte : de la recherche du confort dans
un fauteuil inconfortable. Munari propose
l’idée d’un design attentif où il faudrait perfectionner chaque objet et chaque meuble,
sans faire des milliers de variantes et sans
qu’il suive la mode, mais en les améliorant
dans tous les sens du terme.
[En technicolor]
Ma première rencontre avec le travail
de LC tient en quelques phrases, celles qui
accompagnent encore chacune de ses expositions, où elle raconte avoir vécu dans les
immeubles Renaudie et Gailhoustet d’Ivry
dont l’architecture en pointe ou en étoile ne
permettait pas au mobilier de s’encastrer
correctement. LC serait donc une artiste dominée par un espace dans lequel la possibilité de faire rentrer toute forme serait une action vaine. De cette situation, elle aurait fait
le choix de devenir une habile analyste des
formes et des matières qui l’entourent. Une
ingénieure convertie à l’art conceptuel refusant d’ajouter un seul objet à notre monde.
À la fonctionnalité de l’objet elle aurait préféré l’inefficacité, l’improductivité. Regardeuse alerte d’une évolution graphique des
objets aux fonctions les plus simples, elle se
serait lancée dans une exploration, en Technicolor, de leurs possibles techniques de
façonnage pour en démontrer l’aberration.
LC pétrifiait la mode de ses objets d’études
en les faisant basculer dans un autre temps :
celui de la sculpture.
[Ça souffle, ça brume, ça humidifie, ça
vapotte]
LC absorbe par la couleur, appelle par
la forme, touche dans les plus profonds souvenirs par ses matières. Un va et vient se
dessine dans les gestes de production: inspirer-expirer, des matériaux en constantes
circulations. Un désir de rejouer une forme
plusieurs fois, de l’exploiter à travers
différentes techniques et, par le même
geste, de mettre en perspective différentes
économies : industrielles, artisanales ou
manufacturées. Espièglement, par le
processus avec lequel elle produit ses sculptures-objets, LC fait appel à nos sensations,
éveille le désir de pouvoir réinjecter ses
œuvres dans nos paysages quotidiens sachant bien que l’absurdité de ses sculptures rendra toute relation à nos corps et
nos espaces impossible. Au delà de l’aspect
relationnel, c’est la politique de cir