Business Management Africa - Novembre - Décembre 2016 Mois de Novembre - Décembre 2016 | Page 11

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responsable. Celle-ci dépend du ministère des Finances. Il y a certains de ces produits qui ne payent pas les taxes douanières, puisque les auteurs de ces importations réussissent souvent à corrompre des agents douaniers. D’ autres par contre font entrer leurs marchandises par la voie de la contrebande », souligne-t-il.
Toujours au cours cette année 2015, le Cameroun mène un combat acharné contre Boko Haram dans l’ Extrême-Nord du pays, aux frontières avec le Nigéria. A l’ Est, le pays doit faire face à une poche d’ insécurité à l’ Est, à la frontière avec la République Centrafricaine. Jacquis Kemleu rallie les entreprises membres de l’ Asroc à la cause de ces combats menés par l’ armée. Il est décidé que chaque membre de ce patronat contribue en faisant des dons à partir de ses produits. En fin février 2015, c’ est une
cargaison de dix mille cartons d’ huile et de savons que le SG de l’ Asroc convoie à la base aérienne militaire de Yaoundé et remet au ministre de la Défense d’ alors, Edgar Alain Mebe Ngo’ o. Valeur estimative: 01 milliard 65 millions F CFA. « Ces crises sécuritaires ont ralenti de 40 % les exportations du savon produit au Cameroun vers les pays de la sous-région. Il était donc d’ intérêt pour l’ Asroc d’ encourager les forces de défense en leur offrant du savon et de l’ huile. Après une journée au front, il faut que nos soldats soient capables de se laver la figure au moins. L’ huile leur permet d’ avoir des petits repas. Donc, c’ était notre façon de contribuer à la lutte contre ces ennemis de la paix. Il faut que les corridors douaniers que nous utilisons pour pouvoir mener à bien nos opérations soient libérés. Le corridor d’ accès au Tchad, par exemple, était bloqué à cause de cette
guerre. Or, ce pays reçoit la plus grande partie du savon produit au Cameroun et sert aussi de transit pour accéder au Soudan », justifie Jacquis Kemleu.
Quand on lui demande de faire le bilan de son action à la tête de l’ exécutif de l’ Association des Raffineurs Oléagineux du Cameroun, celui qui est originaire de la ville de Dschang, à l’ Ouest du Cameroun, se dit satisfait. Il affirme par exemple que « les 20 000 tonnes d’ huiles raffinées qui entraient au Cameroun de façon presque irrégulière sont réduites aujourd’ hui à moins de 5 000 tonnes ». Il représente une filière qui a investi environ 650 milliards de F CFA et qui emploie 50 000 personnes. Le secteur se situe au troisième rang des exportations du Cameroun. Le pays domine la sous-région Afrique centrale en matière d’ approvisionnements en savons
et en huiles raffinées. « Le président de l’ association [ Hazim Hazim, PDG de SCR Maya et Cie, NDLR ] est très satisfait et il me l’ a dit personnellement. Ils sont surtout surpris du courage que je mets dans mon travail », dixit le SG. Il milite pour un protectionnisme qui consisterait à interdire pour un certain temps les importations des huiles végétales raffinées au Cameroun. Car, dit-il, les entreprises nationales ont démontré leurs capacités à approvisionner le marché et même à exporter. D’ ailleurs, les capacités de raffinage ne font qu’ augmenter. Par exemple, Huilerie alimentaire et chimique du Cameroun( HACC), une entreprise qui produisait jusqu’ ici du savon de ménage, vient d’ achever la construction d’ une usine de raffinage d’ huile de palme d’ une capacité de 100 tonnes par jour. Le début de la production est prévu pour mars 2017.
L’ ASROC et le déficit en matière première
Quid de l’ avenir des raffineurs d’ oléagineux? Leur principal handicap reste le déficit structurel en matière première, notamment l’ huile de palme brute importée de Malaisie et, depuis très récemment, du Gabon voisin. Pour commencer à apporter des solutions, le groupe Nana Bouba, lequel possède le raffineur Azur, implante en ce moment Greenfil, sa filiale en charge de la culture et de première transformation du palmier à huile. A terme, elle doit avoir 30 mille hectares de palmeraies. Le Complexe cosmétique de l’ Ouest s’ est engagé sur cette voie il y a quelques années. L’ entreprise de Léonard Fomekong a une palmeraie de 3000 hectares. Mais tout cela ressemble à une goûte d’ eau dans l’ océan, prévient Jacquis Kemleu. Pour que le pays se tire d’ affaires, il faut l’ intervention de l’ Etat, plaide-t-il. Car, lui seul peut accorder des concessions foncières, le palmier à huile exigeant de vastes étendues de terre. Il y a ensuite la nécessité de construire la base-vie autour de chaque palmeraie. Il s’ agit des infrastructures sociales de base qui permettent aux travailleurs de vivre de façon acceptable: écoles, hôpitaux, églises, routes. Pour l’ instant, le défenseur du secteur au Cameroun constate qu’ on est très loin de cet idéal.
Au-delà des casquettes déjà évoquées, Jacquis Kemleu est aussi un chef d’ entreprise. En avril 2007, il crée Afrigroup Engineering Services and Trading. Basée à Yaoundé, cette société à responsabilité limitée opère dans le génie civil, les énergies renouvelables, le génie électrique et surtout le génie hydraulique, le grand amour du promoteur. A l’ actif de cette société, des centaines d’ ouvrages hydrauliques au Cameroun. En plus de la gérer, le PDG doit également assumer, depuis 2013, des fonctions de conseiller municipal à la commune de Dschang dont il est originaire. Et dans ce conseil municipal, il dirige la commission en charge de la coopération et de la communication. Un organe très stratégique dans une collectivité locale décentralisée dont les deux tiers du budget proviennent des bailleurs extérieurs au Cameroun. Mais l’ essentiel de son temps, l’ homme de 52 ans le consacre à l’ industrie oléagineuse. Une posture dans laquelle il se voit encore dans dix ans. Ici, dit-il, les enjeux sont trop importants pour le Cameroun.
Leader dans l’ âme, Jacquis Kemleu déroule ce qui fait sa recette: « Je pense qu’ il faut d’ abord beaucoup écouter. Il faut croire en ses potentialités et en ses capacités. Il faut mettre le meilleur de soimême dans tout ce qu’ on est en train de faire. C’ est la clé du succès. Si vous ne croyez pas en ce que vous faites, si vous n’ écoutez pas, vous n’ avancerez pas ». Le SG de l’ Asroc se décrit comme quelqu’ un qui a les moyens de faire ce qu’ il veut et d’ aller où il veut. C’ est en tout cas la sueur de plus de deux décennies de travail acharné pour le compte des entreprises industrielles. Et les casquettes vont continuer de s’ accumuler. Et tout cela l’ oblige à tenir des réunions familiales sur les réseaux sociaux. Il a créé un groupe sur whatsapp sur lequel sont inscrits son épouse, ses enfants et lui-même. Et chacun a l’ obligation de donner de ses nouvelles en fin de journée. Management numérique. Le monde a changé. Jacquis Kemleu aussi. Pour le grand bonheur de l’ industrie agroalimentaire camerounaise.
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Nov- Déc 2016
AFRICA
t 11