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Comment trouver le temps d'écrire
Il y a quelques semaines, j’ai eu une idée de
roman. L’Idée avec un « I » majuscule. Vous savez
ce que c’est. Le genre d’inspiration avec laquelle
vous vous dites : « Il y a matière à faire quelque
chose de bien. Je vais l’approfondir un peu, et
puis je m’y attelle. Il faut juste que je dégage du
temps pour l’écrire ». C’est à cette époque que
mon adorable compagne (ne cherchez pas
l’ironie, il n’y en a pas) m’a annoncé qu’elle allait
devoir travailler tous les week-ends et parfois
tard le soir pendant un mois. J’allais donc devoir
m’occuper seul de ma grande fille avec ses
soucis d’ado qui se métamorphose et de mon
petit bout de six mois qui hurle dès qu’on
l’ignore plus de deux minutes.
Adieu week-end. Adieu soirée. Adieu temps
libre. Adieu roman ?
Peut-être pas.
De l’eau pour notre moulin
Quand on évoque le sujet de la matière
première pour le travail d’un auteur, on pense
systématiquement à l’inspiration, aux idées, à
ses mots parfois, mais rarement au temps. Il
s’agit pourtant de notre ressource la plus
importante et la plus précieuse.
Importante car, sans lui, nos meilleures idées
ne sont que des vœux pieux qui finiront un jour
par s’évaporer. C’est l’eau qui permet au moulin
de tourner.
Précieuse, car il nous est compté selon une
convention humaine qui ne se négocie pas. Que
vous vous appeliez Bernard Werber, Marguerite
Duras ou Robert Bidochon, vos journées ne
compteront jamais plus de vingt-quatre heures.
Bien sûr, il y a des auteurs qui ont gagné la
renommée et le succès suffisants pour dédier
leurs journées entières à l’écriture, mais
combien sont-ils au milieu de la foule d’auteurs
anonymes et sans cesse grandissante ? 2 % ? 5 %
dans le meilleur des cas ? Pour les autres (dont
je fais partie), nous devons jongler avec un
travail alimentaire, une famille chronophage et
les pauses que nous osons nous autoriser
parfois.
Au milieu de tout cela, nous devons trouver
le temps nécessaire pour écrire. Il peut paraître
inaccessible, parfois même inexistant. Nous
pouvons parfois avoir le sentiment que ce temps
disponible est introuvable, car il n’existe tout
simplement pas. La vérité est qu’il s’agit d’un
trésor de pirate enfoui sous le sable d’une île
déserte. À la différence près qu’il n’existe
aucune carte sur laquelle une grosse croix rouge
indique son emplacement. La solution est à la
fois plus simple… et plus complexe.
"Le temps libre existe,
mais il n'est pas gratuit."
Le temps pour écrire existe-t-il encore ?
Certes, il est plus facile de dégager du temps
libre pour un rentier sans enfant que pour une
mère célibataire qui cumule deux boulots. Mais
cela reste possible.
Le plus bel exemple que je connaisse est J.K.
Rowling. Avant la sortie de « Harry Potter à
l’école des sorciers », elle était mère célibataire
cumulant deux jobs et trois bagages enfants
(depuis, sa situation s’est considérablement
améliorée). Elle écrivait son premier roman à
l’aube, avant d’attaquer ses journées de travail,
pendant que ses enfants dormaient encore.
Rowling aurait pu utiliser ces heures pour
s’octroyer quelques minutes de sommeil
supplémentaires. Elle les aurait bien méritées,
et personne ne lui aurait jeté la pierre. Imaginez
cependant quelle perte cela aurait été pour la
littérature jeunesse ! En se levant un peu plus tôt
tous les matins, Rowling a compris une chose
importante : le temps libre existe, mais il n’est
pas gratuit. C’est un tribut dispensé par un Dieu
avare. Et il exige des sacrifices.