– Justement pour éviter ces centaines d’hommes.
L’hôte ferma les yeux et les rouvrit quelques secondes plus tard.
– Pourquoi moi ? Nathan serait sûrement plus indiqué ? Il est plus distingué que moi.
Lysandro secoua la tête.
– Elle s’ennuierait à mourir avec lui. Et puis son contrat l’en empêche.
Il soupira.
– Inutile de chercher quelqu’un d’autre, tu es celui qui répond le mieux à ses critères.
Ce fut autour d’Akira de soupirer avant de sourire d’air malicieux.
– C’est bien payé au moins ?
Un rictus amusé étira les lèvres de Lysandro.
– Elle paye mieux que n’importe lequel de tes clients habituels.
Les pupilles d’Akira s’éclairèrent d’une nouvelle lueur.
– Je signe où ?
Son patron rit en faisant glisser vers lui une liasse de papier. Le jeune homme lut les grandes lignes et s’exclama :
– Le contrat est effectif dès la signature ? Mais j’ai des clients demain et…
Lysandro lui coupa la parole.
– J’ai déjà pris la liberté d’annuler tes autres engagements. Tu pars dans quatre jours. Jusque-là, j’entends que tu te fasses une garde-robe digne de la Ministre.
Si à la première sentence de son patron Akira avait fait la moue, la perspective d’une journée shopping aux frais de quelqu’un d’autre le ravissait. Il aimait les fringues et il ne s’en cachait pas. Il signa et rendit les papiers à son patron.
Un air ingénu se peignit sur les traits du jeune Asiatique.
– Je suppose qu’il faut que je me trouve un ou deux costumes et de préférence à tendance asiatique, non ?
– Oui, cela serait judicieux… Et choisis surtout du noir, Amara aime le noir.
Lysandro se leva alors, signifiant implicitement que l’entretien était fini. Akira suivit le mouvement et s’inclina. Il se dirigea vers la porte et quand il eut la main sur la poignée, Lysandro l’interpella :
– Envoie-moi Ashim, s’il te plaît.
Akira acquiesça et sortit.
*
Les yeux d’Ashim s’agrandirent d’horreur en regardant les coupures de presse qu’Emilia lui avait mises dans les mains. Des histoires de meurtres plus horribles les uns que les autres se succédaient et ce qui le choquait le plus était qu’ils ne faisaient que quelques lignes sur une obscure page d’un journal minable. N’importe où ailleurs dans le monde, de tels actes auraient défrayés la chronique mais pas ici, pas à Neo-Paris. Ces meurtres ou plutôt, comme Emilia lui avait expliqué, ces punitions étaient l’œuvre d’un seul homme en guise de représailles pour insoumission : Lysandro de Trincavel.
C’était ce visage brutal et sadique du maître du Lagon que la jeune Amérindienne et les autres aussi, appelaient « La Mòrta ». Un ange de la Mort impitoyable pour ceux qui bafouaient ses lois.
Ashim frissonna. Depuis son arrivée, rien n’avait confirmé sa première impression de Lysandro et il en venait à penser qu’il n’était que le fils de son père et qu’il contentait d’entretenir l’empire que celui-ci avait commencé. Mais non. Lysandro était bien au-delà de Peter de Trincavel. Non seulement il tenait le Lagon d’une main de fer, mais il savait se faire aimer et apprécier de ses employés. Un homme bien plus dangereux que sa simple brute de père.
Un coup fut frappé à la porte et les deux hommes sursautèrent. Emilia rangea rapidement les coupures de journaux dans la boîte en bois sombre d’où elle les avait sorties et la glissa sous son lit avant d’inviter à entrer la personne qui avait frappé.
La tête d’Akira apparut.
– Lysandro-sama te demande, Ashim-kun. Il est dans son bureau et il t’attend.
Ashim jeta un coup d’œil incertain à Emilia et celle-ci lui fit un sourire apaisant. Il prit alors une