parole d’expert observatoire des mémoires
Peut-on relier les cerveaux
aux machines EN FAVEUR
DU LIEN SOCIAL ?
C’est à cette question, entre autres,
que répond Jean-Gabriel Ganascia,
informaticien spécialiste de l’intelli-
gence artificielle, Président du comité
d’éthique du CNRS et membre du Conseil
scientifique de l’Observatoire B2V
des Mémoires.
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L’histoire commence avec une petite-fille,
Adèle, 7 ans. Elle demande à son arrière-grand-
mère, Juliette : « Grand-ma, qu’est-ce qu’une
récitation ? » Juliette s’étonne de la question
de son arrière-petite-fille. Nous sommes en
2067 et cela fait bien longtemps que plus per-
sonne ne parle de récitation. Il faut dire qu’avec
les implants cérébraux de la société Neuralink
qui fête ses cinquante ans, il n’est plus besoin
d’apprendre !
jean-gabriel ganascia
Rêve d’une extension électronique
de la mémoire
Ce rêve d’extension électronique de mémoire,
le multimilliardaire américain Elon Musk s’en-
gage à le réaliser.
Après avoir créé la société Paypal qui permet
de faire des virements sécurisés sans passer
par une banque, Tesla, qui entend fabriquer
des voitures totalement électriques et auto-
nomes, et SpaceX qui enverra bientôt des
hommes sur Mars, il a lancé, en mars 2017,
la société Neuralink qui promet d’implanter
dans le cerveau humain des dispositifs électro-
niques pour étendre nos capacités mnésiques
dans des proportions quasiment infinies.
Plus de la fiction que de la science
Or, dans ce projet issu de la science-fiction,
de fiction il y a plus que de science, bien plus
même. Les implants cérébraux existent et per-
mettent, par ce que l’on appelle la stimulation
électrique profonde, de soigner les symptômes
de certaines formes de la maladie de Parkin-
son. Cependant, lorsque l’on stoppe la stimula-
tion, les symptômes refont leur apparition. En
revanche, l’extension de la mémoire a encore
du chemin à parcourir car, en l’état actuel, il
reste de nombreuses questions à résoudre
sur la façon dont les informations sont codées
dans le cerveau.
En conclusion, ce qui apparaissait comme
un rêve, celui de ne plus avoir à faire l’effort
d’apprendre, se révélerait, s’il advenait, être
un cauchemar terrifiant : nous deviendrions,
si cette mémoire électronique se greffait
effectivement sur nos cerveaux, des esclaves
des grands effaceurs à qui on commanderait
ce que nous sommes autorisés à savoir. Qui
plus est, comme nous serions tous en contact
immédiat les uns avec les autres, nous n’au-
rions plus d’individualité, plus d’intériorité…
Jean-Gabriel Ganascia est l’auteur de plu-
sieurs ouvrages consacrés à l’intelligence
artificielle, dont Le Mythe de la singularité
- Faut-il craindre l’intelligence artificielle ? ,
paru aux éditions Le Seuil (2017) et Le
Temps des robots est-il venu ? , écrit en
collaboration avec Jean-Philippe Braly
aux éditions Quae (2017).