parole d’expert observatoire des mémoires
Quand la mémoire
devient incontrôlable
La mémoire intervient dans de nombreux actes
de la vie quotidienne, mais également dans notre
personnalité et notre identité.
S
catherine thomas-antérion
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on dysfonctionnement a un impact
majeur sur les personnes touchées
et leur famille. À commencer par les
patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Perte de mots, de gestes, puis de la reconnais-
sance de l’entourage en sont les symptômes
bien connus. « La maladie est liée à l’accumula-
tion de deux protéines fabriquées en excès et à
la dégénérescence de neurones de l’hippocampe
et des cortex associatifs, explique Catherine
Thomas-Antérion, neurologue et membre du
Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des
Mémoires. Des médicaments existent. Ils ne
sont pas curatifs, mais améliorent le compor-
tement des malades. » En parallèle, l’art-thé-
rapie et l’exercice physique ont prouvé leur
efficacité dans la stimulation de l’attention et
l’oxygénation du cerveau. Enfin, l’adaptation
de l’environnement et le soutien de l’entou-
rage sont fondamentaux pour permettre aux
patients d’avoir le meilleur quotidien possible.
« Il est important de ne pas rater le moment du
diagnostic et de l’annonce. Celle-ci a un impact
sur la dimension émotionnelle du patient et de
sa famille. Elle va conditionner la suite. »
Des événements violents et imprévus peuvent
également avoir un impact sur la mémoire.
Une agression, un attentat, un tremblement de
terre… peuvent être à l’origine d’un syndrome
de stress post-traumatique, dont « le symptôme
cardinal est l’intrusion d’images de l’événement,
de jour comme de nuit, qui donne l’impression
de le vivre au présent », décrit la biologiste Isa-
belle Chaudieu. La mémoire traumatique est
fortement émotionnelle et sa gestion par le cer-
veau va dépendre de plusieurs facteurs, dont la
nature de l’événement lui-même, l’histoire de la
personne et le soutien social qu’elle reçoit. Pour
remettre le souvenir à sa place, dans le passé,
plusieurs thérapies sont possibles. « Les psycho-
thérapies cognitives et comportementales ont
fait leurs preuves depuis longtemps, et récem-
ment l’EMDR [eye movement desensitization
and reprocessing], qui agit sur l’extinction de
la peur ». Certains médicaments peuvent venir
compléter les soins, mais ils n’enrayent pas tota-
lement le trouble : les bêtabloquants inhibent
la peur, et les antidépresseurs vont améliorer
l’humeur, mais n’agissent pas sur la mémoire.
C’est lorsqu’elle dysfonctionne que l’on se rend
parfois compte de l’importance que la mémoire
tient dans notre quotidien et notre personna-
lité. Mais quelles que soient les causes de ses
défaillances, aucune thérapie n’est suffisante
sans le soutien bienveillant de l’entourage.
l’exercice physique, efFIcace
dans la stimulation de l’attention
et l’oxygénation du cerveau.