Atypeek Mag N°1 | Page 99

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Amener les prothèses et effets spéciaux de films hollywoodiens vers le monde de l ’ art , c ’ était très étrange , ça a pris du temps mais ça a marché .
Tu fais partie des rares artistes d ’ effets spéciaux qui ont été exposés dans des galeries . Je ne sais pas s ’ il y en a eu beaucoup d ’ autres d ’ ailleurs . Cela s ’ est présenté souvent ?
Je l ’ ai juste fait quelques fois . Je trouve que c ’ est un excellent produit dérivé car entre les projets , je continue à dessiner et à sculpter . Ces derniers temps j ’ ai pas mal sculpté le bronze . Ce sont des choses personnelles , je n ’ ai pas de deadline , pas de directeur artistique , c ’ est juste mon imagination et certaines sont vraiment farfelues mais elles se suffisent à elles-mêmes en tant qu ’ œuvres d ’ art . En 2014 il y a eu une exposition à Long Beach , c ’ était une rétrospective très flatteuse , ça commençait par les travaux de sculptures et certains des réalisateurs ( Frank Henenlotter , Matthew Barney ) nous ont permis de montrer certaines des choses que nous avons faites ensemble . Ils étaient tous ravis de collaborer . Avec les autorisations , un catalogue superbe a été créé . Et des pièces qui avaient été faites spécifiquement pour ces films ont été montrées . Nous étions aussi en train de tourner Saint Bernard donc nous avions apporté certains décors , énormes et sculpturaux , et nous les avons installés dans le musée . Il y avait tout depuis Elmer le remue méninges et la série des Basket Case quand j ’ étais tout jeune jusqu ’ à mon dernier film , c ’ était très excitant .
Rien n ’ était à vendre , c ’ était juste une célébration . Il y avait eu une exposition de Brian Eno juste avant , et comme tu l ’ as dit , cela ne se fait jamais de montrer des effets spéciaux comme de l ’ art . Pour moi ça l ’ a toujours été mais ce n ’ était pas quantifié comme tel . Le public était tellement enthousiaste . Des fans de cinéma amenaient leur famille , hey regardez je ne suis pas fou , c ’ est de l ’ art , il peut y avoir une tête coupée mais il y a aussi ce dragon ou regarde comme cette tête est bien faite , ce n ’ est pas que du caoutchouc . C ’ était comme donner le pouvoir aux fous .
Tu as dit que ces derniers temps tu aimais travailler le bronze . Y a-t-il des matériaux avec lesquels tu te sens bien ?
Quand j ’ ai le temps , je prends normalement de l ’ argile , je fais une sculpture , je la moule . J ’ enlève la sculpture et dans ce moule va le caoutchouc . C ’ est ce que je peins , que ce soit des prothèses , des masques ou de l ’ animatronique . Vu que j ’ aime tant la sculpture , on part de l ’ argile , on moule et ensuite on verse du plâtre très dur à l ’ intérieur . Avec le plâtre sous les yeux , je recommence , je prends des outils dentaires , de l ’ acier bien dur et je commence à dessiner les lignes courbes et un nombre de détails . Cela me prend beaucoup de temps mais on ne peut pas le faire avec de la cire . Même les collègues sculpteurs sont hallucinés , ils ne comprennent pas comment je fais . Je leur explique , puis je remoule à nouveau , ce qui fait que la sculpture possède ce niveau de détails en plus . Il y en a deux que j ’ ai achevées et qui sont devenues des pièces personnelles . Il y en a d ’ autres que j ’ ai pu utiliser dans les films .
Peut-on parler de ton nouveau film ?
Le nouveau film se nomme Saint Bernard , c ’ est sur un compositeur de musique qui entre dans une spirale de folie . Le compositeur est joué par Jay Dugre qui incarnait Brain dans Écorché vif . C ’ est un acteur formidable et cela lui a demandé de se consacrer à un tournage qui a pris deux ans . C ’ est un vrai pas en avant pour moi . On a tourné en pellicule , en Super 16 et en 35 mm . La construction des décors et les effets de créatures sont très ambitieux . Le mieux pour décrire le film serait de le comparer à un rêve étrange et dans ce rêve , tout te semble logique , mais quand tu te réveilles , tu ris d ’ avoir été aussi impliqué et les abstractions dans le rêve semblaient logiques . C ’ était l ’ atmosphère que je cherchais dans ce film . Le subconscient et les rêves m ’ ont toujours fasciné .
La meilleure façon d ’ explorer des idées surréalistes . J ’ en suis très content car j ’ ai pu arriver à produire ce que je voulais . C ’ est plus ambitieux qu ’ Écorché vif , j ’ avais plus d ’ argent et j ’ en ai tiré avantage . On a tourné à New York City , à Wall Street , ce ne fut pas simple . Des séquences ont été tournées à Paris . Il y a aussi des scènes sous l ’ eau et des décors élaborés qui ont pris huit mois à être construits . On s ’ est concentré sur les textures , les couleurs , les nuances , ce n ’ est pas un film avec des moments artistiques , c ’ est une grande toile artistique dans laquelle des moments de cinéma se produisent . Le tournage et le montage sont terminés . La musique est faite et le mixage du son s ’ est terminé en janvier . Nous cherchons une distribution et des endroits pour faire la première .
Il y a eu deux projections , une projection test à San Sebastian et une autre dans un festival au Brésil . Les deux projections se sont très bien passées . C ’ est important de ressentir le film avec un public . Tu captes mieux le temps , les passages drôles et la vibration du public et cela peut t ’ amener à quelques changements minimaux . Enlever tel plan , bouger les choses , etc . Je serai très excité de partager ce film dans le monde .
Y a-t-il aussi quelque chose de religieux en lien avec le nom de Saint Bernard ?
Il y a beaucoup de petits rappels religieux , certains évidents , d ’ autres moins , il trouve la tête d ’ un chien , un Saint Bernard , sur un bord de route , et il en fait un totem religieux .
ATYPEEK MAG # 02 JANV ./ FEV ./ MARS 2017 99