“ Les comics de Mark Beyer nous semblaient très proches des micros histoires qui sous-tendaient une bonne partie de notre musique”
recycler au second degré des caricatures occidentales de ces « musiques du monde » comme dans « The Big Chief » ou « In Your Bush ».
Quant à votre obsession pour les limaces, les souris, les sauriens, les crabes, les insectes dégoulinants et abjects, cela venait d’ où?
Ce thème de première importance nous semblait négligé à l’ époque, il fallait bien que quelqu’ un s’ en saisisse … Nous avons beaucoup emprunté à la littérature fantastique ou aux films de science-fiction et d’ horreur des années 30 à 50 comme White Zombie, Them!, The Blob ou Invasion of the Body Snatchers, mais le plus souvent sans citations directes.
La discographie de Ptôse renvoie aussi à la vitalité de la scène indépendante française au début des années 80. Vous avez par exemple collaboré avec des labels comme Sordide Sentimental et AYAA, puis participé à des compilations pour de nombreux labels internationaux( Tooth & Nail pour Trax, etc.). Diriez-vous qu’ il y avait un vrai état d’ esprit collectif dans ces échanges? Pour nos lecteurs habitués aujourd’ hui à Internet, pensez-vous qu’ il y avait des liens entre ce que vous développiez à l’ époque et ce médium qui a profondément changé notre rapport à la musique aujourd’ hui?
Plutôt qu’ une approche collective, il s’ agissait bien déjà d’ un fonctionnement en réseau, chacun gardant son caractère individuel, mais contribuant à la diffusion des autres, le tout généralement sans but lucratif. Cela fonctionnait bien, mais lentement, on était loin de la fulgurance d’ Internet.
On ne pourrait revenir sur l’ intégralité de vos enregistrements, mais Ignobles Limaces, The Swoop et Face de Crabe ont représenté, en quelque sorte, l’ apogée du groupe. De plus grosses productions. De plus gros tirages. Il semble étonnant que vous ayez arrêté après Face de Crabe, qui était sorti sur le label hollandais culte Eksakt et qui justement aurait pu vous ouvrir à un plus large public. Est-ce que vous sentiez que vous étiez arrivés à la fin de quelque chose?
En fait, le passage à une distribution indirecte, par la médiation du label, était un système trop lourd pour nous. Cela a fait disparaître le plaisir que nous trouvions dans les échanges par correspondance avec les acheteurs de nos cassettes … En plus, notre projet de vocalistes multiples s’ avérait un montage compliqué et nous avons donc choisi d’ arrêter plutôt que de commencer à nous ennuyer. Si la musique numérique et le web étaient arrivés plus tôt, nous aurions certainement saisi cette opportunité, mais nous étions au milieu des années 80 … 10 ans trop tôt!
Quant à l’ aspect visuel, il est également très important. Comme on l’ a vu, vos cassettes avaient des emballages très singuliers et vous avez notamment travaillé avec le graphiste Mark Beyer. Il existe aussi une vidéo que l’ on peut trouver sur RVB Transfert d’« Écraser la vermine » où l’ on vous voit avec des bandes sur la tête, des chapeaux et des imperméables noirs. Pouvez-vous revenir sur ce tournage et ces collaborations?
Les comics de Mark Beyer nous semblaient très proches des micros histoires qui sous-tendaient une bonne partie de notre musique et nous avions été séduits par cette superbe peinture sur verre qui a servi pour la couverture d’ Ignobles Limaces. Quant à la vidéo « Écraser la vermine », c’ est une réalisation de FR3 Poitou-Charentes improvisée à la suite d’ un festival Rock dans lequel nous nous étions subrepticement infiltrés. Le reportage qui la précédait vaut le détour, il était intitulé « Impact du rock sur le public » et peut se déguster sur le site de l’ INA ou sur YouTube. http:// www. youtube. com / watch? v = 7lv4BzIL6 _ k
Lors de vos concerts, étiez-vous aussi très portés sur les costumes, la performance?
Non, pas du tout de costumes, ou alors des tenues en décalage avec le lieu et le public, nous portions par exemple des chemises Lacoste lorsque nous partagions l’ affiche avec des punks ou des performers industriels et nous utilisions une Mobylette comme instrument et un GSSA( Générateur de Sons Semi-Aléatoires) lorsqu’ il s’ agissait d’ un environnement rock. Nous sommes de grands timides et donc sur scène nous étions à la fois un peu coincés et occasionnellement agressifs.
Il reste aussi un aspect majeur que l’ on n’ a pas abordé, c’ est l’ humour, qui chez vous se teinte de grotesque et de carnavalesque, pouvant même se faire parfois inquiétant( les morceaux « Face de Crabe », « Like a Mouse » ou « La nuit des sauriens »). L’ humour selon Ptôse, c’ était quoi?
Retrouvez une version de cette interview dans le numéro # 17 d’ Obsküre: http:// urlz. fr / 52Ph
Nous avons été marqués enfants par une Silly Symphony macabre de Ub Iwerks et Walt Disney, datant des années 30 et intitulée « The Skeleton Dance ». La musique de Carl W. Stalling était une interprétation délirante de « La Marche des Nains » de Edvard Grieg.
Le grotesque est une composante majeure de notre univers musical et notre humour, assez pince-sans-rire, est souvent basé sur le décalage, parfois peu perceptible, entre certains éléments musicaux ou extra musicaux comme les paroles et le titre. http:// vimeo. com / 63789172
Pour finir, comment regardezvous avec le recul l’ expérience Ptôse? Avez-vous continué la musique ou les arts visuels par la suite ou êtes-vous partis dans d’ autres domaines? Quelles sont vos réactions face à ces rééditions de vos travaux ces derniers temps?
L’ aventure de Ptôse était très motivante mais il faut savoir s’ arrêter avant de tourner en rond … Ptôse devait finir inachevé. Nous sommes toujours de grands consommateurs de musique, mais seul l’ un d’ entre nous a continué dans cette voie et compose aujourd’ hui des musiques de films. Malgré tout, nous n’ avons jamais cessé d’ assister Ericka Irganon dans ses travaux, mais comme elle n’ a rien publié de nouveau depuis près de trente ans, qui sait quand elle daignera les rendre public?
Maxime Lachaud
ATYPEEK MAG # 02 JANV./ FEV./ MARS 2017 43