Atypeek Mag N°1 | Page 43

“ Les comics de Mark Beyer nous semblaient très proches des micros histoires qui sous-tendaient une bonne partie de notre musique ”
recycler au second degré des caricatures occidentales de ces « musiques du monde » comme dans « The Big Chief » ou « In Your Bush ».
Quant à votre obsession pour les limaces , les souris , les sauriens , les crabes , les insectes dégoulinants et abjects , cela venait d ’ où ?
Ce thème de première importance nous semblait négligé à l ’ époque , il fallait bien que quelqu ’ un s ’ en saisisse … Nous avons beaucoup emprunté à la littérature fantastique ou aux films de science-fiction et d ’ horreur des années 30 à 50 comme White Zombie , Them !, The Blob ou Invasion of the Body Snatchers , mais le plus souvent sans citations directes .
La discographie de Ptôse renvoie aussi à la vitalité de la scène indépendante française au début des années 80 . Vous avez par exemple collaboré avec des labels comme Sordide Sentimental et AYAA , puis participé à des compilations pour de nombreux labels internationaux ( Tooth & Nail pour Trax , etc .). Diriez-vous qu ’ il y avait un vrai état d ’ esprit collectif dans ces échanges ? Pour nos lecteurs habitués aujourd ’ hui à Internet , pensez-vous qu ’ il y avait des liens entre ce que vous développiez à l ’ époque et ce médium qui a profondément changé notre rapport à la musique aujourd ’ hui ?
Plutôt qu ’ une approche collective , il s ’ agissait bien déjà d ’ un fonctionnement en réseau , chacun gardant son caractère individuel , mais contribuant à la diffusion des autres , le tout généralement sans but lucratif . Cela fonctionnait bien , mais lentement , on était loin de la fulgurance d ’ Internet .
On ne pourrait revenir sur l ’ intégralité de vos enregistrements , mais Ignobles Limaces , The Swoop et Face de Crabe ont représenté , en quelque sorte , l ’ apogée du groupe . De plus grosses productions . De plus gros tirages . Il semble étonnant que vous ayez arrêté après Face de Crabe , qui était sorti sur le label hollandais culte Eksakt et qui justement aurait pu vous ouvrir à un plus large public . Est-ce que vous sentiez que vous étiez arrivés à la fin de quelque chose ?
En fait , le passage à une distribution indirecte , par la médiation du label , était un système trop lourd pour nous . Cela a fait disparaître le plaisir que nous trouvions dans les échanges par correspondance avec les acheteurs de nos cassettes … En plus , notre projet de vocalistes multiples s ’ avérait un montage compliqué et nous avons donc choisi d ’ arrêter plutôt que de commencer à nous ennuyer . Si la musique numérique et le web étaient arrivés plus tôt , nous aurions certainement saisi cette opportunité , mais nous étions au milieu des années 80 … 10 ans trop tôt !
Quant à l ’ aspect visuel , il est également très important . Comme on l ’ a vu , vos cassettes avaient des emballages très singuliers et vous avez notamment travaillé avec le graphiste Mark Beyer . Il existe aussi une vidéo que l ’ on peut trouver sur RVB Transfert d ’« Écraser la vermine » où l ’ on vous voit avec des bandes sur la tête , des chapeaux et des imperméables noirs . Pouvez-vous revenir sur ce tournage et ces collaborations ?
Les comics de Mark Beyer nous semblaient très proches des micros histoires qui sous-tendaient une bonne partie de notre musique et nous avions été séduits par cette superbe peinture sur verre qui a servi pour la couverture d ’ Ignobles Limaces . Quant à la vidéo « Écraser la vermine », c ’ est une réalisation de FR3 Poitou-Charentes improvisée à la suite d ’ un festival Rock dans lequel nous nous étions subrepticement infiltrés . Le reportage qui la précédait vaut le détour , il était intitulé « Impact du rock sur le public » et peut se déguster sur le site de l ’ INA ou sur YouTube . http :// www . youtube . com / watch ? v = 7lv4BzIL6 _ k
Lors de vos concerts , étiez-vous aussi très portés sur les costumes , la performance ?
Non , pas du tout de costumes , ou alors des tenues en décalage avec le lieu et le public , nous portions par exemple des chemises Lacoste lorsque nous partagions l ’ affiche avec des punks ou des performers industriels et nous utilisions une Mobylette comme instrument et un GSSA ( Générateur de Sons Semi-Aléatoires ) lorsqu ’ il s ’ agissait d ’ un environnement rock . Nous sommes de grands timides et donc sur scène nous étions à la fois un peu coincés et occasionnellement agressifs .
Il reste aussi un aspect majeur que l ’ on n ’ a pas abordé , c ’ est l ’ humour , qui chez vous se teinte de grotesque et de carnavalesque , pouvant même se faire parfois inquiétant ( les morceaux « Face de Crabe », « Like a Mouse » ou « La nuit des sauriens »). L ’ humour selon Ptôse , c ’ était quoi ?
Retrouvez une version de cette interview dans le numéro # 17 d ’ Obsküre : http :// urlz . fr / 52Ph
Nous avons été marqués enfants par une Silly Symphony macabre de Ub Iwerks et Walt Disney , datant des années 30 et intitulée « The Skeleton Dance ». La musique de Carl W . Stalling était une interprétation délirante de « La Marche des Nains » de Edvard Grieg .
Le grotesque est une composante majeure de notre univers musical et notre humour , assez pince-sans-rire , est souvent basé sur le décalage , parfois peu perceptible , entre certains éléments musicaux ou extra musicaux comme les paroles et le titre . http :// vimeo . com / 63789172
Pour finir , comment regardezvous avec le recul l ’ expérience Ptôse ? Avez-vous continué la musique ou les arts visuels par la suite ou êtes-vous partis dans d ’ autres domaines ? Quelles sont vos réactions face à ces rééditions de vos travaux ces derniers temps ?
L ’ aventure de Ptôse était très motivante mais il faut savoir s ’ arrêter avant de tourner en rond … Ptôse devait finir inachevé . Nous sommes toujours de grands consommateurs de musique , mais seul l ’ un d ’ entre nous a continué dans cette voie et compose aujourd ’ hui des musiques de films . Malgré tout , nous n ’ avons jamais cessé d ’ assister Ericka Irganon dans ses travaux , mais comme elle n ’ a rien publié de nouveau depuis près de trente ans , qui sait quand elle daignera les rendre public ?
Maxime Lachaud
ATYPEEK MAG # 02 JANV ./ FEV ./ MARS 2017 43