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L ’ Homme qui tua Liberty Valance , de John Ford ( 1962 )
Chef-d ’ œuvre sur ce qu ’ on appelle aujourd ’ hui le storytelling médiatique ou politique et méditation sur l ’ usage de la violence dans la société américaine . Un sénateur , homme de loi en col blanc , non violent , tue un dangereux hors-la-loi . En fait , il s ’ est arrangé avec un pistolero local qui est le vrai tireur mais qui reste dans l ’ ombre , le sénateur bénéficiant de toute la lumière de cet épisode et de ces profits politiques . À la fin du film , un journal raconte cette histoire faussée du sénateur qui tua Liberty Valance et le rédac ’ chef lance la célèbre réplique : “ quand la légende est plus belle que la réalité , il faut imprimer la légende
On réduit souvent Ford à cette réplique , croyant à tort qu ’ il l ’ endossait . Or , c ’ est oublier que tout le film s ’ attache minutieusement à montrer la véritable histoire , ses dessous , la construction de sa fausse légende . À bien regarder ce film , Il est clair que Ford critique la conception de ce journaliste qui consiste à préférer les beaux mensonges à la vérité des faits , et qu ’ il se montre sceptique voire mélancolique sur le fait que la démocratie soit construite aussi avec des mythes et légendes . Que dirait-il aujourd ’ hui , alors que l ’ élection Trump prouve jusqu ’ à la nausée qu ’ une bonne part des citoyens préfèrent croire aux mensonges qui leur plaisent qu ’ aux faits avérés qui leur déplaisent .
Les Hommes du président , d ’ Alan J . Pakula ( 1976 )
L ’ un des classiques de la fiction de gauche à l ’ américaine , qui retrace l ’ enquête de Carl Bernstein et Bob Woodward , les deux journalistes du Washington Post qui ont révélé l ’ affaire du Watergate , ces écoutes téléphoniques secrètes mises en place par le président Nixon pour espionner les Démocrates . Nixon fut contraint à la démission , événement unique dans l ’ histoire américaine . Extrêmement bien documenté , ce film explore les relations entre la presse et le pouvoir sous un angle positif : celui où les médias jouent le contre-pouvoir aux moyens d ’ enquêtes minutieusement travaillées et vérifiées plutôt que de servir la propagande officielle .
Bob Roberts , de Tim Robbins ( 1992 )
Encore un modèle de fiction de gauche dont le fond sérieux est rehaussé d ’ une dimension satirique . Le candidat imaginé par Robbins , Bob Roberts , est un chanteur , totalement inexpérimenté en politique , qui recherche avant tout la gloire , qui rejette l ’ esprit de la contreculture des années soixante et toutes ses avancées réelles et prône les vieilles valeurs réactionnaires … ça vous rappelle quelqu ’ un ? En fait , Robbins était inspiré par Reagan mais son portrait humoristique à charge pourrait parfaitement s ’ appliquer à Trump .
Malcolm X , de Spike Lee ( 1992 )
Ce biopic présente les qualités et défauts d ’ un biopic classique : documentation fouillée , histoire incarnée en fiction , ambition impossible de résumer une vie en quelques heures , regard a posteriori prétendant se conjuguer au présent des faits … S ’ il ne laisse pas un souvenir impérissable comme œuvre de cinéma , Malcolm X est néanmoins important et nécessaire parce qu ’ il a fait mieux connaître à un large public la personnalité et le parcours politique d ’ une figure fondamentale de l ’ histoire américaine et de l ’ émergence de la conscience noire .
On le sait , Malcolm X était un leader radical par rapport à un Martin Luther King plus favorable au dialogue et au compromis . Malcolm X défendait l ’ usage légitime de la violence alors que Luther King était non violent . Bien qu ’ il ait choisi de filmer Malcolm X , Spike Lee termine sur une double citation des deux hommes , laissant le spectateur trancher sur quelle est la meilleure voie vers l ’ émancipation des Noirs américains . Spike Lee en général et ce film en particulier ont joué leur rôle dans ce long chemin de conquête de droits , de liberté et d ’ égalité qui est loin d ’ être achevé mais qui a quand même abouti aux deux mandats de Barack Obama .
172 ATYPEEK MAG # 02 JANV ./ FEV ./ MARS 2017
JOURNALISTE : JÉROME TRANCHANT BLOG : www . facebook . com / jerome . cineradical