ALBUMS
Date de sortie: 30 / 09 / 2015 Durée: 1h 11 min Nationalité: FR Styles: INDUS / electronic / expérimental
Date de sortie: 12 / 09 / 2016 Durée: 1h 15 min Nationalité: DE Styles: concrete / electronic / expérimental
Date de sortie: 01 / 10 / 2016 Durée: 36 min Nationalité: CH Styles: Noise Minimal / Electro
GEINS’ T NAÏT Allo Georgette( Atypeek Music)
Si vous êtes passionnés de musique industrielle, le nom de Geins’ t Naït ne vous est pas inconnu. Ils furent et demeurent un des représentants les plus passionnants du genre, mêlant des ambiances lourdes et glauques à une approche presque sociologique du sampling et de la prise de son directe. Formé à Nancy par Thierry Mérigout et Vincent Hachet, le projet a été très actif entre 1986 et 1993, enchaînant les enregistrements sur les labels Permis de Construire et PDCD, avant de revenir en 2011 pour plusieurs albums magistraux en collaboration avec Laurent Petitgand. La musique présente sur Allo Georgette est plus dans la lignée du Geins’ t Naït première période- on pense beaucoup à l’ album Yvone( 1990)- mais intègre des sources qui ont pu servir de bases aux morceaux que l’ on trouve sur les disques plus récents avec Laurent Petitgand(“ N. M. Q. P”,“ Bazelits”).
Écorché, parfois terrifiant, cet Allo Georgette tourne autour de plusieurs pièces sonores à base de messages sur répondeurs téléphoniques: un être psychotique appelle une certaine Georgette et fait une obsession sur la pratique anale. La voix est inquiétante, répétant sans arrêt les mêmes mots, comme sortie de la bande originale du film Henry, Portrait of a Serial Killer.
Pas de reconstitutions, les interventions vocales chez Geins’ t Naït proviennent d’ un quotidien, parfois tellement triste qu’ il fait peur.
Entre délires bizarroïdes pas vraiment drôles(“ Be bop”) et atmosphères martiales et prenantes, dans la lignée de Coil, The Grief ou Test Dept(“ Atomic”,“ Golf”), l’ album possède un son old school et une ambiance assez dérangeante pour ravir les amateurs.
Adeptes du décalage, GN ajoute quand même à la fin une sorte du morceau dansant, qui met fin brutalement au climat lourd et sordide qui a précédé. C’ est comme ça avec eux. Le second degré fait partie du délire.
✎ Maxime Lachaud
Thomas Brinkmann A 1000 KEYS( Editions Mego)
Avec le nouvel album, A 1000 Keys, de Thomas Brinkmann, on est en droit de se poser la question si toute œuvre artistique, se doit d’ être analysée, décortiquée pour en percevoir son essence. De mon coté, la musique est avant tout une question de sensations, des effets qu’ elle peut me procurer à des moments de ma vie. Car si l’ oeuvre de Thomas Brinkmann peut avoir un côté conceptuel, il n’ en reste pas moins qu’ elle véhicule son lot d’ émotions. Avec ce nouvel album, il détourne le piano, instrument le plus souvent associé au terme de virtuosité, pour en proposer une vision minimaliste, mécanique et parfois brutale. Construit autour de loops et de notes frappées, A 1000 Keys ne nous laisse pas de marbre, de par cette manière d’ agencer les notes et de bâtir des morceaux rythmiques aux mélodies squelettiques, dépouillées de toute forme d’ humanité, comme si les machines s’ étaient mises à bugger. Variant les modes de jeu, il en arrive à mettre l’ auditeur presque mal à l’ aise, de par son parti pris extrémiste, déjouant pourtant les pièges qu’ une telle œuvre pourrait susciter, extrayant des mélodies d’ un chaos algorithmique où rien ne semble posé au hasard. Thomas Brinkmann joue à nous bousculer, à nous déstabiliser, à repousser nos limites d’ auditeur, écorchant notre patience à écouter jusqu’ au bout. L’ artiste offre une œuvre presque Dada de par sa dérision sérieuse et sa jubilation expérimentale à ébranler nos certitudes et nos questionnements. A 1000 Keys s’ acharne dans sa radicalité à changer nos modes de percevoir et d’ appréhender les instruments et leurs connotations intrinsèques, multipliant les pistes d’ écoutes, projetant chaque note dans un chaudron en ébullition duquel naît une musique prise entre musique concrète et expérimentalisme jusqu’ au boutiste, pendants stylistiques à La Monte Young versus Steve Reich.
✎ Roland Torres I www. silenceandsound. me
DEAR DEER oh my...( Manic Depression / Swiss Dark Nights)
Leur concert au Klub en septembre 2015, alors que le projet était tout frais, fut une grosse claque et le duo une révélation. Du coup, c’ est avec pas mal d’ impatience que j’ attendais ce premier album de la rencontre entre Federico Iovino( Popoï Sdioh) et Sabatel( Cheshire Cat). Ayant digéré incroyablement bien les influences post-punk, batcave, no wave et industrielles, ils produisent un son urgent, dansant, énergique, qui doit beaucoup aux atmosphères rêches et tendues de Chrome(« TVD ») et aux délires du premier album de Colin Newman- ils reprennent d’ ailleurs « Troisième » sur scène, issu de ce A-Z. Les voix, quant à elles, pourraient s’ apparenter à une rencontre entre Andi Sex Gang et la Lydia Lunch des débuts. Mais attention, leur musique est loin d’ être vieillotte, loin s’ en faut. Les rythmiques électroniques en sont la base, sur lesquelles se greffent guitares, basse, synthés et bruitages, jusqu’ à atteindre une puissance répétitive et tribale. Écoutez plutôt les étourdissants « Statement » et « Dear Deer », la transe n’ est jamais loin. Il y a quelque chose d’ à la fois simple et dense, d’ épuré et de total dans leur musique. L’ album lui-même est riche de sonorités, pouvant intégrer des cuivres issus d’ un lointain folklore européen(« Clinical / Physical »), des chœurs ethniques(« Czekajnanas »), des touches plus pop et minimal synth(« Claudine in Berlin ») alors que les guitares semblent faire le pont entre l’ after-punk islandais de Kukl et le deathrock californien de Mephisto Walz. La relève d’ un rock qui donne la bougeotte viendrait-elle de Lille? Courez les voir en live pour en avoir le cœur net.
✎ Maxime Lachaud
DEAR DEER © DR
54 ATYPEEK MAG # 01 OCT./ NOV./ DEC. 2016