Atypeek Mag N°1 Atypeek Mag N°1 - Octobre - Novembre - Décembre | Page 53

ALBUMS Date de sortie : 12/02/2016 Durée : 44 min Nationalité : FR / ET Styles : CRUNCH UKANDANZ Date de sortie : 19/08/2016 Durée : 30 min Nationalité : US/EN Styles : Bandes originales de films / experimental Date de sortie : 17/03/2016 Durée : 14 mn Nationalité : FR Styles : Alternative ULTRA PANDA SCOTT WALKER AWO (DUR ET DOUX / Buda MUSIQUE / BIGOÛT / ATYPEEK) The New Bear (Atypeek Music) The Childhood of a Leader: OST (4AD) Que celui qui a déjà écouté du rock alambiqué un tantinet noise (crunch plus précisément), chanté en éthiopien et influencé par la culture musicale de ce pays, me file son 06 pour que j’aille visiter tout de suite sa discothèque. Je me vois bien arriver dans une espèce de caverne d’Ali-Baba où se nicherait un disque de black-zouk norvégien à côté d’un de salsacore cubain. Ne rêvons pas et ne tombons pas non plus dans les extrêmes, mais sachez qu’Ukandanz fait partie de ces formations O.M.N.I. sur lesquelles on adore tomber. Petit point historique avant de parler du contenu de cette galette : Ukandanz est donc la rencontre d’un quatuor français lyonnais - constitué de Lionel Martin au saxophone ténor (Bunktilt, Raw), de Damien Cluzel, guitariste chez Kouma, Pixvae et Polymorphie, du bassiste Benoît Lecomte (JMPZ, Ni, Suba) et de Guilhem Meier, batteur de Poil, ICSIS, Loo et Dof - avec Asnake Gebreyes, un charismatique chanteur de la scène d’Addis Abeba en Éthiopie. Autrement dit, une belle brochette de musiciens qui s’avère explosive sur le papier, logiquement confirmé sur disque où cette formule rock singulière, s’inspirant de chansons traditionnelles et populaires des troubadours éthiopiens, prend tout son sens. Cette fusion unique appelée « Ethiocrunch » par certains, Awo se révèle comme une transe sonore électrique appuyée d’abord par une rythmique convulsive lourde, puissante et légèrement saturée. Sur laquelle s’ajoutent deux éléments importants qui dirigent l’état d’exaltation, à savoir le sax ténor torrentueux de Lionel qui s’aventure autant sur les rythmiques qu’en « lead » et le chant éblouissant et incontrôlable d’Anaske. Cet album se vit presque comme une expérience live, tant l’énergie qui s’en dégage est brute de décoffrage, tel un groupe de free-jazz qui s’amuse à faire virevolter ses ambiances pour décontenancer son audience. Ukandanz dresse une véritable leçon de brassage des cultures musicales internationales et prouve avec classe que la sauvagerie sonore se conjugue à toutes les sauces, surtout lorsqu’elle est influencée par un pays dont on a tant à apprendre en terme musical. ✎ Ted www.w-fenec.org Amateur de couleurs bariolées et de rollercoaster sous acide, The New Bear est fait pour toi. Enregistrés lors des mêmes sessions que le LP Satan Salsa paru lui en 2014, les quatre titres de cet EP ne changent pas trop la donne pour Ultra Panda qui continue dans la même veine du vas-y-comme-je-te-pousse-surle-dance-floor-et-remuons-nos-popotins-ensemblemon-chéri à l’aide de compositions mélodiquement imparables et dansantes (donc). Après avoir produit des albums de façon très espacée pendant des années, Scott Walker se fait moins rare pour notre plus grand bonheur, enchaînant une nouvelle production tous les deux ans : Bisch Bosch (2012), Soused (avec Sunn O))), 2014) et enfin ce Childhood of a Leader. Devenu une figure majeure dans le domaine des avant-gardes les plus sombres depuis Tilt (1995), il arrive à surprendre et se renouveler avec chaque disque. Cette fois-ci, il en revient aux musiques de films, dix-sept ans après le Pola X de Léos Carax. Le film déjà, avec son ambiance gothique et claustrophobe ainsi que sa thématique (quelques moments dans l’enfance d’un futur dictateur), avait tout pour lui plaire, le totalitarisme étant un sujet que Walker explore depuis déjà pas mal d’albums. Réalisée par le jeune acteur Brady Corbet - dont la carrière a été émaillée de choix souvent brillants depuis Mysterious Skin - et inspirée par une nouvelle de Sartre, The Childhood of a Leader est une première œuvre étonnante, tournée un peu comme un giallo ou un récit d’angoisse et divisée en trois tantrums, ces crises de rage folle que peuvent avoir les gamins. Pour le coup, Scott Walker a sorti les grands moyens, délaissant le chant pour éveiller le compositeur en lui et son goût de la grandiloquence, pour une musique puissante, parfois cacophonique et effrayante, évoquant les pièces les plus angoissées et psychologiques de Bernard Herrmann (notamment Psychose et Sœurs de sang) et György Ligeti. Le ton est néanmoins souvent inquiet et perturbant, “Village Walk” rappelant même le “Adulteress’ Punishment” de Riz Ortolani pour Cannibal Holocaust. Scott Walker est nourri de musiques de films mais il y insuffle son goût, développé dans ses derniers disques, pour les bruits étranges et les décalages, le sampling (“Printing Press”) et les univers autoritaires et martiaux (“On the Way to the Meeting”, “Post Meeting”) quand ils ne sont pas apocalyptiques et terrassants (“Finale” avec ses bruits de sirène et son agressivité symphonico-industrielle digne de Laibach). Suscitant panique et drame, ces compositions fascinantes, souvent très courtes, amènent le film vers une oppression inédite et tiennent aussi la route en tant que simple album. Une des meilleures BO de l’année, c’est certain. I La recette du groupe reste simple : une rythmique basse/batterie aussi implacable que groovy, des effets électroniques efficaces mais qui ne débordent pas et un chant de sirène amoureuse et qui ne demande qu’à exprimer sa passion dévorante. Je vais vous faire grâce de toutes les références en matière de musiques de jeunes habituellement balancées en pâture pour tenter d’harponner l’auditeur putatif, il me semble que celle d’Ultra Panda se suffit amplement à elle-même avec ce mélange d’énergie, de mélodies et de bon sens. Signalons aussi en quatrième position de The New Bear un titre qui change un peu la donne ; MTGMA a été enregistré avec un quatuor à cordes, ce qui permet à Ultra Panda de faire chialer les dubitatifs, récalcitrants et autres sans cœur. ULTRA PANDA ©DR ✎ Hazam ✎ Maxime Lachaud ATYPEEK MAG #01 OCT./NOV./DEC. 2016 53