Atypeek Mag N°1 Atypeek Mag N°1 - Octobre - Novembre - Décembre | Page 133

souviens encore de cette excitation. Quand je voyais quelque chose d’ excellent, j’ avais toujours des réactions physiques. Je me souviens d’ avoir tremblé la première fois que j’ ai vu Kiss me Deadly( En quatrième vitesse) dans un cinéma, et c’ était pareil là. Il n’ y avait pas de crédits, on descendait une route et il y avait ce prêtre fou qui nous menaçait. C’ était fabuleux. Puis il y avait ce gars ivre qui brutalisait une jeune femme, et il disait qu’ il n’ en voulait qu’ une et là apparaissait le titre Lorna. Je me souviens du moindre plan du film. Je me rappelle d’ être sorti et de me poser devant le poster en essayant de retenir les noms. Quand je suis revenu à ma voiture, j’ ai noté le nom de Russ Meyer. Qui était-ce? Pas de livres. Pas d’ Internet. Personne ne savait qui il était, et deux semaines plus tard il avait un tout nouveau film projeté à Manhattan qui s’ appelait Good Morning … & Goodbye!( Bonjour les filles). À partir de ce moment, je suis allé voir tous les films de Russ Meyer. Un des meilleurs moments fut de voir Beyond the Valley of the Dolls( La vallée des plaisirs). En 1970, il y a deux films que j’ ai vu entre 50 et 60 fois sur l’ année, c’ était Beyond the Valley of the Dolls et Le Conformiste de Bertolucci. À l’ époque, on ne savait pas qu’ un jour on pourrait posséder ces films et je voulais mémoriser chaque instant. On ne peut pas aimer un type de films sans aimer l’ autre type de films. Il faut tout voir car sinon tu te coupes de quelque chose. J’ ai rencontré Russ mais à l’ époque il était plutôt grincheux et méprisant. Personne ne s’ en rendait compte à l’ époque mais il sombrait petit à petit dans la démence. Dans les conventions, on lui posait des questions, il pouvait rire et la minute d’ après s’ il n’ aimait pas la question, il hurlait sur la personne. Quelque chose n’ allait pas donc malheureusement je n’ ai jamais pu m’ asseoir avec lui pour parler de cinéma.
La personne avec qui je parlais beaucoup de cinéma et qui en connaissait plus que n’ importe qui d’ autre sur la planète, c’ était Jess Franco. Il connaissait des réalisateurs américains dont personne ne se souvenait. Il était déçu que je ne puisse parler avec lui de films français et allemands. Je n’ y avais pas accès. Mais je n’ ai jamais rencontré quelqu’ un d’ aussi passionné. Il a dû grandir en regardant tous les films hollywoodiens qu’ il pouvait. À présent, je vois l’ influence que ça a eu sur lui, en particulier son amour des pulps. Il était aussi une des personnes les plus délicieuses et agréables que j’ ai rencontrées dans ma vie. C’ est rare de rencontrer quelqu’ un que tu admires et te dire que c’ est une personne parfaite. À chaque fois que je l’ ai rencontré, c’ était spécial.
C’ était facile de voir ses films aux USA?
Oui et non, ça dépend des films. L’ horrible Dr Orloff était facile à voir. Parfois les compagnies sortaient des films qu’ on ne pouvait voir qu’ en double séance. Il était sorti avec L’ effroyable secret du Dr. Hitchcock qu’ ils appellent à présent L’ horrible Dr Hitchcock. Et le film de Franco s’ appelle maintenant L’ effroyable Dr. Orloff. Et la bande annonce combinait les deux. Ce film était sorti en 64 ou 65 aux USA. Je l’ ai vu quand j’ avais 14 ou 15 ans. C’ est aussi passé à la télévision new-yorkaise tout au long des sixties. Puis ça a disparu, mais c’ était très accessible. Je me souviens d’ avoir vu Venus in Furs, et de m’ être dit comme pour Lorna: Mais qui est ce type? J’ avais vu 99 femmes avant et Succubus( Necronomicon). J’ avais vu un double programme de Kiss me monster et Sadist Erotica. C’ était au début des années 70 puis on n’ a plus entendu parler de lui. Je pensais qu’ il avait arrêté de faire des films. Puis à la fin des années 70, deux nouveaux films sont apparus sur la 42 e rue: Barbed Wire Dolls( Les gardiennes du pénitencier / Femmes en cage) et l’ autre c’ était Wanda, the Wicked Warden( Greta, la tortionnaire de Wrede) même si personne ne se nommait Wanda dans le film. Et j’ ai amené tous mes amis voir ce film. Je ne pouvais pas croire combien ce film était excellent. Mais qu’ a-t-il fait entre les deux? Je n’ en ai aucune idée. La plupart de ses films étaient importés et ils étaient réalisés par Clifford Brown. Diary of a Nymphomaniac, que j’ ai vu, je ne savais pas que c’ était un film de Jess Franco. Quand le marché de la vidéo est arrivé, le premier film de Franco que j’ ai acheté était Kiss me Monster. Le second film à être sorti en VHS aux États-Unis était Barbed Wire Dolls. Puis un autre est arrivé, je n’ en avais jamais entendu parler: Bloody Moon( La lune de sang). Je me suis dit que j’ allais acheter tous ses films. Je ne savais toujours pas qu’ il avait fait 400 films. Grâce aux festivals de cinéma et en rencontrant
“ En 1970, il y a deux films que j’ ai vu entre 50 et 60 fois sur l’ année, c’ était Beyond the Valley of the Dolls et Le Conformiste de Bertolucci.”
des fans européens, ils ont commencé à me fournir des copies de ses films. Les copies Secam étaient souvent de très mauvaise qualité mais je m’ en fichais. Je regardais du Franco et je les écoutais en espagnol, en français, en allemand. Maintenant, on peut se les procurer en Blu- Ray, je suis le plus heureux des hommes. C’ est juste incroyable! D’ autres de ses films sont aussi passés à la télé américaine, Dr. Orloff’ s Monster, The Mistresses of Dr Jekyll( Les Maîtresses du Dr. Jekyll), Cartes sur table sous le titre Attack of the Robots. Je me souviens que Franco aimait le jazz. Dans le Dr. Orloff’ s Monster il jouait le piano. Moi-même j’ ai beaucoup écouté de jazz, mais Franco connaissait le jazz. Il y a une grande différence. Je suis un dilettante et il était musicien. Néanmoins, j’ écrivais le scénario de Brain Damage et j’ écoutais une chaîne jazz très populaire tard le soir et là le DJ parle du style inimitable à la trompette de Clifford Brown. Et là je me suis dit mais Clifford Brown est un musicien en plus de faire des films? Tout d’ un coup, j’ ai compris que c’ était un pseu-
ATYPEEK MAG # 01 OCT./ NOV./ DEC. 2016 133